Depuis 2021, des travaux de confortement ont lieu sur cet ouvrage, où le Cerema a accompagné la DIR Est en apportant son expertise dans le diagnostic des pathologies de l’ouvrage, dans l’élaboration du projet de réparation puis dans le contrôle extérieur de sa mise en œuvre.
Une solution innovante de confortement a été mise en œuvre en mars 2024 en glissant quatre poutres caisson métalliques sous le tablier du viaduc.
Le viaduc d’Autreville est situé sur l’autoroute A31 sur la commune de Belleville sur Moselle (54). Il est géré par la DIR Est pour le compte de la région Grand Est (depuis le 1er janvier 2025). Ce viaduc, mis en service en 1972, porte les 2 sens de l’autoroute A31 sur un seul tablier bipoutre à dalle orthotrope.
Un ouvrage suivi par le Cerema
Les dimensions du tablier (largeur 32m, longueur 232m en 3 travées de 74m, 93m et 65m) étaient à l’époque une prouesse technique au regard de sa typologie, en limite de gamme. Cette prouesse était notamment liée à la légèreté de l’ouvrage (les 2 poutres sont espacées de 24 mètres ; la dalle sur laquelle circulent les véhicules est en acier, a une épaisseur de 12 millimètres ; elle est raidie par des "pièces de ponts" – qui correspondent à des sections en T inversé reliant les poutres – et par des "augets" – qui correspondent à des sections en "U" parallèles aux poutres).
Cet ouvrage était connu de ses gestionnaires et du Cerema depuis de très nombreuses années puisque son dimensionnement, effectué dans les règles de l’art de l’époque, avait négligé la vérification de l’ouvrage vis-à-vis des problèmes de fatigue. Ce phénomène, qui touche principalement les ouvrages métalliques, est à l’origine, sous le passage répété de poids lourds, de l’apparition de fissures dans la structure métallique (la fatigue du métal est un phénomène connu intuitivement par tous : il correspond à la rupture que l’on obtient après quelques pliages-dépliages d’un trombone).
Au niveau des augets de la dalle orthotrope, les premières fissurations avaient été détectés dès 1975 mais s’étaient accélérées dans les années 90 pour aboutir à des campagnes de réparation de plus en plus rapprochées, avec une augmentation des linéaires de fissures à réparer à chaque campagne.
Le Cerema intervenait régulièrement en assistance de la DIR Est depuis l’origine des désordres pour leur détection (inspections régulières de l’ouvrage) et pour leur réparation (définition des réparations à mener, contrôle de l’exécution des travaux, etc.). Les dernières investigations et recalculs laissaient craindre l’apparition très prochaine de fissuration de fatigue sur les 2 poutres principales du tablier, ce qui aurait eu des conséquences potentiellement désastreuses (nécessité de fermer l’ouvrage en urgence, voire rupture).
Des réparations en vue de conforter l'ouvrage
Les désordres de plus en plus fréquents sur cet ouvrage avaient conduit à la mise en place d’un comité d’experts en 2017 et à un diagnostic complet de l’ouvrage par le Cerema avec un recalcul de l’ouvrage puis l’étude de solutions pérennes (y compris étude de la démolition reconstruction de l’ouvrage, en place ou à côté). In fine, la décision a été prise par la DIR Est, le Cerema et le comité d’experts de conforter l’ouvrage à l’aide d’une solution innovante comprenant 2 grandes phases :
- La réalisation de 4 poutres caisson glissées sous l’ouvrage afin de prendre en charge le tablier sous ses pièces de ponts, au niveau de 204 points d’appuis, et de délester celui-ci de 2000 tonnes de poids propre (et d’une grande partie de ses charges d’exploitation).

- La réalisation, sur la tôle de platelage, d’une dalle en béton fibré ultra-performant (BFUP) afin de stabiliser les problèmes de fatigue sur les augets et le platelage de la dalle orthotrope.
L’opération a fait l’objet d’un appel d’offres en 2021 remporté par le groupement Demathieu Bard – Baudin Chateauneuf – Berthold. La maitrise d’œuvre a été assurée par le service d’ingénierie routière de la DIR Est (SIR Lorrain), le Cerema assurant le contrôle extérieur des études d’exécution et des travaux, mais aussi un rôle de conseil à la DIR Est dans les adaptations (et améliorations !) proposées par l’entreprise.
Après une réalisation des poutres-caisson au cours de l’année 2023, avec un assemblage à proximité de l’ouvrage et ensuite des hissages et des ripages (par tronçon, sous le tablier) sur de nouveaux appuis réalisés au préalable sous l’ouvrage, la mise en contact des poutres de renfort avec la structure d’origine avait été réalisée au cours de 2 week-ends en mars et avril 2024. Une masse totale de 4 800 tonnes avait été levées par les vérins : 2 800 tonnes concernaient la structure ajoutée et les autres 2 000 tonnes correspondaient au délestage de la structure du tablier d’origine.
En septembre 2024 puis en juin 2025, lors de 4 week-ends de coupures totales, il a été réalisé sur le platelage métallique une dalle en BFUP (Béton Fibré Ultra Performant) de 5 centimètres d’épaisseur. Cette dalle a été coulée après une fabrication foraine à l’aide de deux centrales de production et d’un malaxeur placés préalablement aux abouts de l’ouvrage. Il avait été nécessaire, préalablement au coulage du béton, de souder environ 90 000 connecteurs sur la tôle de platelage pour s’assurer d’une parfaite connexion entre la dalle en BFUP et la dalle orthotrope.
Ce long chantier est innovant sous ses deux aspects principaux : il s’agit de la première fois (à notre connaissance) que l’on réalise "un pont sous un pont" pour soulager un ouvrage et pour la première fois en France que l’on réalise une dalle en BFUP sur une dalle orthotrope avec une fabrication foraine.
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