5 août 2025
Angoulême, place Marengo
P. Ouallet - Cerema / Angoulême, place Marengo
Quelle définition de "ville apaisée et vivante" pour les habitants, pour les services d’une collectivité et pour des élus ? Comment décliner cette définition et les enjeux de nature et d’adaptation au changement climatique à travers le réaménagement des espaces publics, en y joignant également des éléments de mobilités, de patrimoine historique à valoriser, de contraintes budgétaires, de tranquillité publique, d’inter-générationnalité, ou encore de vitalité commerciale et de culture ?
La ville d’Angoulême souhaitait se fixer un cadre méthodologique et élaborer une feuille de route, pour que chaque nouvel aménagement d’espace public soit élaboré sur la base d’un idéal commun, co-construit avec la ville et ses habitants.

La déclinaison d’une fine trame verte et bleue au cœur de la cité témoignant des continuités écologiques et paysagères, le potentiel de désimperméabilisation des sols, la palette arborée idéale face au changement climatique (outil Sésame) ou encore la cartographie des îlots de chaleur urbains : cette démarche innovante de "ville apaisée et vivante" vient faire la synthèse de plusieurs études précédentes réalisées par le Cerema, tout en permettant de traduire les attentes citoyennes sur une feuille de route de réaménagement d’espaces publics

Cette démarche a été accompagnée financièrement par l’ADEME, l’Agence de l’Eau Adour Garonne et la Région Nouvelle-Aquitaine, avec la présence lors des réunions de l’Etat (DREAL, DDT, ABF), et de nombreux partenaires associés (CA Grand Angoulême, syndicat de bassin, associations, etc.).

 

Le besoin de définir un idéal, et de le traduire concrètement en termes d’aménagement

La ville d’Angoulême souhaitait traiter la question du réaménagement de l’espace public de manière transversale, et sur la base d’une co-construction avec les habitants via la participation citoyenne. Pour ce faire, ce cinquième volet (sur 7) du partenariat "La nature au service d’une ville apaisée et vivante" reliant la ville au Cerema, a permis de définir :

  • ce qu’était une "ville apaisée et vivante",
  • quels leviers d’action utiliser pour tendre vers cet objectif ambitieux,
  • comment solliciter les habitants et acteurs du territoire pour que ces derniers contribuent au projet urbain.

C’est ainsi que de nombreuses thématiques ont été abordées, de la nature à la mobilité, de la gestion des déchets à la vitalité commerciale, en passant par le sentiment de sécurité sur les espaces publics, ou encore la présence de toilettes et de point d’eau potable.

 

Atelier photo-interprétations & post-it. Crédit: Pierre Ouallet - Cerema

Un premier travail a alors été de définir ce qu’était une "ville d’Angoulême apaisée et vivante" : 

une ville calme (sans bruits, …mais lesquels ?), sécurisée (…de quoi ?), piétonne et cyclable tout en maintenant une offre mesurée de stationnement voiture sur les centralités, familiale, intergénérationnelle, et végétalisée, notamment. 

 

A travers 6 ateliers (3 en salle et 3 sur le terrain), les élus et les services issus de tous horizons (espaces publics, voirie, patrimoine arboré, grands projets, politique de la ville, urbanisme, mobilités, police municipale, culture, éducation, jeunesse) ont déterminé les contours précis de la définition, en mettant en face des exemples réussis de réalisation, ainsi que d’autres à ne pas suivre.

 

 Calme SécuritéEgalité h/fSanté Accessibilité
Positif

Convivialité (présence de familles, facilité des échanges)

Absence de bruits motorisés / fermé aux voitures

Ambiance piétonne

Mobilier urbain urbain permettant de se poser / reposant

Eclairé / mis en lumière

Présence de la nature / d'arbres

Circulation apaisée

Absence de bruit tard le soir (si terrasse)

Ambiance "village"

Bruits apaisants (fontaine)

Fermeture de l'accès voitures / Espace piétonnier

Espace ouvert

Espace fermé à l'aide de grilles

Bonne visibilité sur l'ensemble de l'espace public

Bonne lisibilité de l'espace public

Limitation des vitesses

Animé

Circulation à pied aisée

Mixité d'usage

Présence de familles

Favorise les échanges

Animé (en lien avec la sécurité)

Espace aéré

Espace végétalisé

Favorise l'activité physique et la pratique sportive

Ombragé

Espace convivial

Relations sociales

Pratique de la marche et du vélo

Point d'eau

Lieux de repos (bancs)

Lieu de bien-être

Facile d'accès / espace public perméable

Respect des normes d'accessibilité de l'espace public

Espace plat

Présence de bancs et mobilier de repos

Espace public simple et lisible

Espace public accessible à tous et accueillant de nombreux usages

Stationnement PMR

Espace mixte piéton/ voiture / facilité d'accès pour tous.

NégatifConflits d'usage entre les différents modes de déplacement
  • Trop de proximité avec la circulation
  • Conflit d'usage entre les modes de déplacement
  • Mauvaise gestion du stationnement
Pratique d'activité fortement connotées comme étant masculines (sports / loisirs notamment)
  • Ilot de chaleur
  • Espace trop minéral
  • Présence du bruit des voitures et des gaz d'échappement,
  • Saletés dues aux oiseaux (pigeons)
  • Espace public oppressant
Oppressant / peu de place pour circuler à pied

L’objectif a été ensuite de traiter de manière très transversale tous ces enjeux, en s’appuyant sur trois exemples de potentiels réaménagements d’espaces publics :

  • La place du Commandant Raynal : une place sur le plateau en entrée de ville piétonne, avec ses terrasses de restaurant, une présence forte de piétons, mais également une proximité de stationnements voiture,
  • La place Mulac : une grande place en ville basse, à usage principal de parking mais soulevant de nombreux autres enjeux (proximité écoles et commerces, square, marché hebdomadaire),
  • La place Hildesheim : une place piétonne en quartier politique de la ville, à proximité de grands ensembles, dont les usages restent encore à définir.

 

Enfin, plusieurs outils de participation citoyenne ont été travaillés avec la collectivité, afin que la co-construction dans le cadre d’ateliers publics et de déambulations terrain soit exhaustive, transversale, pédagogique et à la portée de tous. Des outils ont été présentés pour mener à bien des ateliers et les déambulations sur site avec les riverains, dans le cadre de projets de réaménagement d’espaces publics.

 

  Potentialité de réaménagement d’une place en cœur de ville. Source : Pierre Ouallet

 

 

Définition de la "ville apaisée et vivante"

Une ville apaisée, ce sont des espaces publics avec :

  • Crédit : Ville d'Angoulême

    Du calme : absence de bruits motorisés, ambiance piétonne, espace public fermé aux voitures, barrière visuelle et/ou physique entre les lieux dévolus à la circulation motorisées et l’espace public dédié aux mobilités actives (haie, arbres, noue, barrières, grilles, etc.), espace convivial, présence de familles, absence de bruit tard le soir (terrasses de bars trop nombreuses, terrains de pétanques trop attractif, etc.), présence de mobiliers urbains permettant de se reposer (bancs), ambiance « village », présence de bruits apaisants (oiseaux, fontaine),

  • Un espace public sécurisé : délimitant bien les usages entre les lieux "voitures" et les lieux "modes actifs", avec des vitesses de circulation faible pratiquées par les véhicules motorisés, un espace public éclairé, avec une fréquentation à toute heure et tous les jours (afin d’éviter le sentiment d’avoir un lieu oublié, peu surveillé, pouvant derrière générer de l’insécurité), ouvert et sans lieux cachés (du fait d’une végétation mal entretenue, d’un cul de sac entre deux bâtiments, etc.), un espace public propre, accessible pour toutes et tous (facile d’accès depuis les rues environnantes, perméable aux piétons, respectant les normes réglementaires de l’accessibilité aux espaces publics, bien signalé), aéré et avec de la place pour circuler (sinon l’espace public est ressenti comme étant oppressant),
  • Des lieux de rencontres : terrasses de bar/café, des restaurants, de l’animation culturelle ponctuelle (concerts, théâtre de rue, troc aux plantes, etc.), ou quotidienne (projections "sons et lumières" en période estivale), terrain de pétanque, bancs, fontaine, valorisation du panorama,
  • La présence de piétons et de cyclistes ; pour que l’espace public soit un espace public qui se vit, et non pas qu’il soit retreint uniquement à une vocation d’espace traversé,
  • Des usages adaptés : ne pas prédisposer le site à des usages antagonistes (jeux pour enfants versus proximité de stationnement), ou des usages inadaptés à la vue de l’environnement direct (terrain de basket à proximité de logements),
  • Des espaces accueillants : présence de bancs, espaces végétalisés, espace accessible, présence d’ombre, éclairé la nuit, ne pas aller vers un espace public trop minéral, lutter contre les effets d’îlot de chaleur,
  • Des îlots de fraîcheur en période estivale : présence d’ombre (arbres, pergolas végétalisée, arche, halle, ombrière en toile, etc.), présence de l’eau (fontaine, miroir d’eau, brumisateurs, point d’eau potable),
  • Des lieux de rassemblements : arbres totem, bancs, terrasses,
  • Une prise en compte des enjeux de santé : présence de toilettes publiques, de bancs, avoir des espaces accessibles pour toutes et tous (prenant en compte les besoins des plus jeunes et des plus âgés), présence d’ombre et d’eau, pas d’îlot de chaleur, espace aéré et végétalisé, lutte contre le bruit des véhicules motorisés et leurs gaz d'échappement, lieu qui favorise l'activité physique et la pratique sportive.

 

Une ville vivante, ce sont des espaces publics avec :

  • Végétalisation d'une rue piétonne / Ville d'Angoulême

    Une mixité d’usages : présence de familles, mixité par la pratique de loisirs, mise en valeur du paysage, de l’activité économique, des commerces de proximité, de la culture et valorisation du patrimoine, proposition de différentes offres de mobilités, lieux de repos, lieux de fraîcheur, etc.

  • Une mixité générationnelle : des enfants, des familles, des personnes âgées,
  • De la végétation : des arbres, des arbustes, des plantes herbacées, et une diversité de strates,
  • De la biodiversité : végétale (plusieurs espèces, plusieurs strates), et de la diversité animale (plantes mellifères, arbres favorisant l’avifaune, nichoirs, etc.)
  • Des lieux de rencontres : terrasses de bar/café, des restaurants, de l’animation culturelle ponctuelle (concerts, théâtre de rue, troc aux plantes, etc.), ou quotidienne (projections "sons et lumières" en période estivale), terrain de pétanque, bancs, fontaine, valorisation du panorama,
  • Des espaces ludiques : jeux pour enfants, panneaux pédagogiques ludiques, table de ping pong, terrain de pétanque,
  • La présence du sport sur l’espace public (itinéraire marche, via ferrata improvisée, panier de basket)
  • La présence de la culture et de la valorisation du patrimoine local,
  • Des animations (concerts, expositions, théâtre de rue, marché nocturne, vide grenier, piétonisation par urbanisme tactique, retransmission de match, courses d’orientation, etc.),
  • Présence du piéton sur l’espace public.

 

 

Ces éléments de définition ont été déclinés sur plusieurs aménagements ; de la renaturation de cours d’école à la requalification de places piétonnes, en passant par des projets de voirie, des parvis de bâtiments religieux ou encore des opérations de renouvellement urbain (Bel Air Grand Font). 

Le dernier exemple en date est la requalification de la place Marengo sur la ville historique (plateau) ; une rue piétonne avec de nombreuses polarités commerciales, au pied de bâtiments classés, et à quelques pas de l’hôtel de ville, place qui était auparavant très minérale (voir photo en début d’article).

Présentation de l'ensemble de la démarche menée avec la ville d'Angoulême :
Le rapport d'étude sur CeremaDoc :

Dans le dossier Dossier "Vers des rues apaisées"

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