Cette démarche vise à porter un regard extérieur sur les conditions de sécurité routière en s’appuyant sur des observations de terrain, dans un territoire à fortes contraintes climatiques et où le nombre d’accidents de la route peut sembler relativement élevé par rapport au trafic routier recensé.
Une méthode préventive, non prescriptive
L’ISRI (Inspection de Sécurité Routière des Itinéraires) est une méthode d’analyse préventive du réseau routier. Elle consiste à parcourir un itinéraire pour y observer, dans les deux sens de circulation, de jour comme de nuit, les éléments susceptibles d’avoir un impact sur la sécurité des usagers : visibilité, lisibilité, perception de la route, cohérence de la signalisation ou état des équipements.
Il ne s’agit ni d’un audit, ni d’un contrôle réglementaire, ni d’un diagnostic exhaustif. Cette approche "œil neuf" repose sur des constats de terrain décrits de manière factuelle, sans hiérarchisation ni jugement, afin d’alimenter la réflexion du gestionnaire routier.
L’ISRI repose sur une lecture terrain mobilisant des binômes d’inspecteurs disposant de compétences complémentaires en ingénierie routière, signalisation et sécurité. L’objectif est d’objectiver les perceptions que peuvent avoir les usagers - conducteurs de poids lourds, véhicules légers, deux-roues, piétons - en conditions normales de circulation.
Le Cerema s’appuie pour cela sur une grille d’analyse qualitative basée sur des critères comme la visibilité, la lisibilité, l’adéquation au contexte dynamique de circulation, les possibilités d’évitement ou encore la cohérence des dispositifs implantés. L’approche est descriptive, pédagogique et exempte de jugement normatif.
Une mission conduite dans un contexte ultramarin exigeant
L’inspection, réalisée en juillet 2025 (par l'agence de Guyane du Cerema basée à Cayenne de la Direction Outre-Mer et le groupe "Sécurité des Déplacements" du Département "Mobilités, Espace Public et Sécurité" de la Direction Territoires et Ville située à Lyon), a porté sur plus de 450 kilomètres de voirie nationale : la RN1, qui relie Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni à la frontière avec le Surinam, et la RN2, qui rejoint Saint-Georges-de-l’Oyapock à la frontière brésilienne. Ces axes stratégiques assurent la continuité territoriale et structurent les échanges économiques et sociaux en Guyane ainsi que la desserte des pays frontaliers à ce territoire ultramarin.
Le territoire présente des contraintes naturelles et climatiques fortes : pluies intenses, rayonnement UV élevé, densité végétale importante, longues distances en milieu forestier, proximité de la frontière … Ces spécificités influent directement sur la durabilité des équipements, la perception de l’infrastructure et les conditions de conduite.
La Guyane présente des particularités rares à l’échelle du territoire français : végétation dense pouvant masquer la signalisation, dégradations accélérées par les UV et l’humidité (panneaux de signalisation verticale et marquages routiers notamment), fréquentation intense par des véhicules lourds sur de longues distances, et présence fréquente de piétons et de 2 roues motorisés en dehors des agglomérations. À cela s’ajoutent les enjeux frontaliers, avec des flux vers le Brésil à l’Est et une forte dispersion de l’habitat dans l’Ouest avec de nombreux échanges avec le Surinam.
Ces éléments ont guidé une attention particulière sur les zones de transition (urbain ↔ hors-urbain), les équipements de sécurité latérale, et la qualité de la signalisation en environnement contraint. Les visites ont été menées dans des conditions variées afin de refléter la réalité d’usage : en journée, la nuit, par temps sec et sous la pluie.
Des observations pour éclairer la gestion du réseau
Les inspections ont permis de relever une grande diversité de situations et d’événements : signalisation verticale altérée par le climat, lisibilité du marquage affectée par l’humidité, accotements instables ou enherbés, risques de chutes d’arbres…
Les observations ont été relevées à partir d’un système embarqué permettant la géolocalisation, l’horodatage et la prise de vue automatisée. Cette capitalisation visuelle constitue un support précieux pour le suivi et l’aide à la décision à court et moyen terme.
Chaque observation est documentée, localisée et illustrée, sans valeur prescriptive : il revient ensuite au gestionnaire, la DGTM de Guyane, d’apprécier l’opportunité d’agir ou d’approfondir certains points. Ce travail s’inscrit dans une logique de veille continue, de prévention et d’amélioration progressive de la sécurité. Il permet à la DGTM de Guyane d’alimenter la programmation des actions d’entretien et de sécurisation du réseau.
Acquisition d’images du réseau routier grâce à Air3D : une innovation adaptée aux besoins de la Guyane
Parallèlement à la mission ISRI, une campagne de relevé d’images immersive a été menée sur les RN1 et RN2 à l’aide d’Air3D, outil développé par le Cerema.
Ce dispositif embarqué permet de capturer des vues panoramiques géoréférencées et horodatées, constituant une base visuelle exhaustive, exploitable à distance.
Dans un territoire comme la Guyane, où les interventions sur site peuvent être contraintes par le contexte logistique ou climatique, et où les grands outils du numérique sont absents (pas de couverture Street View), Air3D offre une solution concrète.
Il permet aux gestionnaires et maîtres d’ouvrage d’explorer les itinéraires, repérer les points sensibles, documenter les projets ou réaliser des études préalables sans se déplacer.
Les données acquises sur la RN1 et la RN2 viendront nourrir les projets en cours, qu’ils relèvent de la gestion, de la sécurité ou de l’aménagement. Ce relevé illustre la capacité du Cerema à proposer des outils opérationnels adaptés aux spécificités ultramarines.
L’expertise Cerema au service des territoires ultramarins
Cette mission témoigne de l’engagement du Cerema aux côtés des acteurs publics dans les territoires ultramarins. L’approche ISRI permet d’anticiper les dysfonctionnements, d’objectiver les situations et d’outiller la décision.
Ce type de mission s’inscrit dans le cadre plus large des actions du Cerema en appui aux collectivités et services de l’État dans les Outre-mer.
Par son approche neutre, interdisciplinaire et ancrée dans la connaissance des terrains, le Cerema contribue à construire une culture partagée de la sécurité routière, où les constats de terrain alimentent les programmations et les politiques d’entretien. L’ISRI constitue ainsi un levier d’observation proactif et complémentaire à l’analyse des accidents.
Pour aller plus loin :
La méthode ISRI appliquée dans cette mission est décrite dans le guide méthodologique disponible sur CeremaDoc :
Le Cerema propose également des formations pour accompagner les acteurs publics dans la mise en œuvre des inspections de sécurité routière :
Le Cerema propose aussi des formations pour accompagner les acteurs publics à maitriser les fondamentaux de la signalisation routière :
