11 mars 2020
Citéa - Un service de Valence Romans Déplacements
Afin d’évaluer la mise en œuvre des Schémas Directeurs d'Accessibilité - Agendas d'Accessibilité Programmée (SD’AP), le Cerema a réalisé un travail d’enquête auprès de plusieurs territoires pour identifier les actions réalisées lors de la mise en œuvre du SD’AP mais également les freins au bon déroulement de la programmation initialement prévue. Ainsi, plusieurs autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en charge de services de transport urbain ont bien voulu participer à cette démarche nationale de retours d’expériences, qui a fait ressortir des points de vigilance et des leviers à mobiliser pour la mise en œuvre des SD’AP.

Les leviers

La concertation avec les usagers
 

Citéa - Un service de Valence Romans Déplacements

Le dispositif SD’AP a renforcé, voire relancé, la dynamique de concertation avec les usagers, notamment avec les associations représentant les personnes en situation de handicap. Des efforts ont été réalisés par les AOM pour associer davantage tous les publics souffrant de handicaps, notamment les personnes atteintes de déficiences sensorielles, de handicaps mentaux, psychique et cognitif. Au-delà de la concertation réalisée dans le cadre de l’élaboration des SD’AP, les personnes à mobilité réduite sont sollicitées par les AOM comme des "experts d’usage" pour évaluer la qualité des travaux réalisés, que ce soit pendant les phases de chantier ou en fin de travaux. Ce fut par exemple le cas à Valence-Romans lors des travaux réalisés dans les agences commerciales du réseau de transport urbain.

 

L’aménagement des arrêts

Les échéances fixées par le SD’AP ont permis d’engager rapidement des travaux d’aménagement des points d’arrêt prioritaires. Un important travail de diagnostic réalisé en amont sur l’ensemble des territoires observés a permis d’estimer les types de travaux à réaliser et les montants associés. Des solutions locales ont été trouvées pour financer voire cofinancer la mise en accessibilité des points d’arrêt selon que l’AOM possède la compétence voirie ou non.

En particulier, lorsque l’AOM n’a pas la compétence voirie, on constate différents montages :
 

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  • un cofinancement partagé à 50 % entre l’AOM et la commune gestionnaire de voirie via une convention ;
  • un cofinancement défini au fil de l’eau selon les travaux à réaliser entre l’AOM et le gestionnaire de voirie ;
  • un financement à 100 % par la commune gestionnaire de voirie, avec une subvention possible du FSIL (fonds de soutien à l’investissement public local) ;
  • un financement à 100 % par l’AOM pour l’aménagement des points d’arrêt prioritaires du SD’AP.

Photographie : Clément Luce [CC BY-SA 4.0]

La formation des personnels

Le volet formation des personnels n’avait pas été fortement investi par les délégataires de service public, en dehors des formations initiale et continue obligatoires. L’ordonnance de 2014 ré-affirme la nécessaire formation des personnels, que ce soit les conducteurs ou agents d’accueil du public en rendant obligatoire la formation du personnel en contact avec le public. Les grands groupes de transporteurs proposent des formations internes permettant de sensibiliser les personnels aux différents types de handicap et à la conduite à tenir pour accueillir aux mieux ces personnes.

Ces formations enseignent également la manipulation des différents équipements spécifiques (palettes rétractables, accostage du véhicule, gestion des annonces sonores et visuelles, fonctionnement des boucles à induction magnétique en guichet, etc).

Plusieurs formats existent allant de la demi-journée à 2 jours, et prenant la forme d’une sensibilisation théorique par des associations de personnes handicapées à des mises en situation sous forme de « vis ma vie ».


Le document du ministère d’avril 2019 « RÉFÉRENTIEL DES ATTENDUS relatifs à la formation obligatoire à l’accueil des personnes handicapées dans les établissements recevant du public et les réseaux de transports publics » donne des repères sur la différence entre formation et sensibilisation, en précisant notamment les attendus et les objectifs de ces démarches complémentaires.

 

L’information aux voyageurs
 

information voyageur

La nécessité de dispenser une information voyageurs accessible à tous a été soulignée par le dispositif de SD’AP. Les efforts déjà initiés par les autorités organisatrices des transports sur ce thème dans le cadre des SDA ont été poursuivis voire renforcés pour mieux prendre en compte le handicap visuel (augmentation de la taille des caractères, de la surface d’information, développement d’applications accessibles, etc.) ainsi que le handicap mental, cognitif ou psychique en introduisant les règles du FALC (facile à lire et à comprendre). C'est ainsi qu'à Dunkerque, l’information en cas de perturbation a été pour les personnes déficientes auditives, mais également pour tous les voyageurs.

La future Loi d’orientation des mobilités devrait créer l’obligation (article 10) de collecter les données d'accessibilité des réseaux de transport, mais également des portions de voirie situées à proximité des arrêts de bus/cars prioritaires.

Sur ce sujet, le Cerema contribue à la création d’un modèle de base de données permettant de décrire l’accessibilité de toute la chaine des déplacements, allant des transports en commun aux bâtiments, en passant par la voirie (voir article ci-dessous).

Le système d'information géographique

Se doter d'un système d'information géographique est un moyen très efficace pour suivre la mise en accessibilité des arrêts et mettre à disposition les données d'accessibilité.
Le recensement des données sur le niveau d’accessibilité des réseaux de bus, qui se fait initialement dans l’état des lieux du SD'AP et qui est mis à jour régulièrement ensuite, est nécessaire pour améliorer progressivement les déplacements des personnes handicapées. Il est important d’harmoniser les pratiques pour fournir des informations similaires d’un point à l’autre du territoire (voir le modèle de données pour les SIG proposé par le Cerema).

Par ailleurs, la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) rend obligatoire la collecte et la mise à disposition des données accessibilité dans les réseaux de transports collectifs (tous modes) et en voirie autour des arrêts de bus/cars prioritaires.

C’est dans ce contexte que Lorient Agglomération, en associant le service de l’information géographique et de la topographie, a développé un outil de suivi de la mise en accessibilité des points d’arrêts.

Les points de vigilance

L’agrandissement du ressort territorial

Un grand nombre d’autorités organisatrices de la mobilité ont vu leur périmètre géographique s’agrandir. Ceci a eu pour impact d’ajouter de nouveaux points d’arrêt prioritaires non programmés initialement dans le SD’AP. Il a fallu donc intégrer ces nouveaux arrêts à la programmation et ajuster la programmation prévue dans le SD’AP.

La restructuration des réseaux

Certaines autorités organisatrices se sont lancées dans des chantiers de restructuration et de hiérarchisation de leurs réseaux, notamment en raison de l’agrandissement du ressort territorial. Ces chantiers, indispensables pour optimiser l’offre présente, ont conduit à modifier et retarder la programmation de mise en accessibilité des arrêts prioritaires. Les associations peuvent l’entendre à condition qu’une nouvelle programmation soit construite et mise en œuvre sans délai. Il faut noter que les AOM qui ont encore une portion de leur territoire non couverte par un SD’AP peuvent encore en déposer un en le rattachant à un SD’AP déjà existant. En revanche, les AOM sans SD’AP, ne peuvent plus en déposer mais restent soumises à l’obligation de mise en accessibilité.

La coordination des acteurs

Ce volet, qui est essentiel pour permettre une accessibilité effective sur le territoire, reste un point faible de la mise en œuvre des SD’AP. Selon les modalités choisies pour la maîtrise d’ouvrage et le financement des travaux entre l’AOM et le gestionnaire de voirie, l’exécution du SD’AP avance plus ou moins bien. En effet, parmi les différentes modalités choisies, on constate que lorsque la maîtrise d’ouvrage est déléguée à 100 % aux communes gestionnaires de voirie, le programme initial prévu dans le SD’AP n’est pas toujours respecté en raison de contraintes budgétaires ou de nouvelles priorités locales.
Par ailleurs, la continuité du cheminement entre les points d’arrêt et les pôles générateurs n’est pas systématiquement traitée. En effet, il est rare que la coordination soit faite entre la programmation des travaux de voirie (issue du PAVE) et la programmation du SD’AP.

La gestion des impossibilités techniques avérées (ITA)

Beaucoup de questions se sont posées auprès des autorités organisatrices de la mobilité concernant les cas d'impossibilité technique avérée (ITA). D’une part, les temps contraints pour l’élaboration du SD’AP n’ont pas permis à toutes les AOM de déclarer des points d’arrêt prioritaires en ITA car elles n’ont pas eu le temps d’étudier la possibilité ou non de déplacer l’arrêt. D’autre part, certaines AOM ont identifié des arrêts ne pouvant pas respecter les dimensions réglementaires, donc en ITA, mais ne savaient pas comment les traiter : faut-il faire des aménagements de mise en accessibilité ? Même si l’arrêt ne respecte pas tout à fait les dimensions réglementaires, est-ce qu’il peut être affiché comme un arrêt praticable ?
Enfin, la mise en place d’un service de substitution obligatoire pour un point d’arrêt prioritaire en ITA pose encore de nombreuses questions quant aux modalités de sa mise en œuvre.
Le projet de Loi d’Orientation des Mobilités devrait lever certaines de ces difficultés (art. 7) en clarifiant la notion de substitution et en apportant de la souplesse en cas d’impossibilité technique avérée.  La LOM devrait en effet permettre aux AOM des réseaux urbains de remplacer l’obligation de déployer un transport de substitution en cas d’arrêt prioritaire en ITA, par la mise en accessibilité de deux nouveaux arrêts pour chaque arrêt en ITA.

Des actions qui vont au-delà du SD’AP

La sensibilisation du grand public
 

mission « Mobilité H »

Les mesures de mise en accessibilité des réseaux de transport ont été accompagnées, par certaines AOT, d’actions de sensibilisation en faveur du grand public. Ces actions visent notamment à faire prendre conscience aux autres voyageurs qu’ils peuvent jouer un rôle pour faciliter les déplacements des personnes en situation de handicap s’ils connaissent les comportements adaptés.

 

Le suivi de la programmation

La loi prévoit des bilans d’étapes pour le suivi de la programmation, dont un bilan à 3 ans.
Les éléments à faire apparaitre dans ce bilan sont disponibles sur le site de la Délégation ministérielle à l’accessibilité.
Le projet de Loi d’Orientation des mobilités prévoit (art. 7) la publication par les AOM de l’état d’avancement de la mise en accessibilité des réseaux sur leur site Internet respectif.

Par ailleurs, certaines AOM se sont lancées dans des démarches de suivi et d’évaluation. Des outils de suivi, tels que les systèmes d'information géographique (SIG), permettent de suivre en interne l’avancement des travaux de mise en accessibilité des points d’arrêt. La constitution de ces bases de données est à réaliser en tenant compte du modèle de données « accessibilité de la voirie » en cours d’élaboration avec le Cerema afin de disposer de données interopérables entre collectivité et avec les données transports pour alimenter les calculateurs d’itinéraires.

 

L’approche par l’usage et les démarches d’évaluation de la qualité de l’accessibilité

Depuis quelques années, au fil des chantiers d’investissement pour réaliser les travaux et les équipements d’accessibilité, l’usage des réseaux par les personnes handicapées progresse et de nouvelles questions apparaissent sur la qualité d’usage.

Certaines AOM ou prestataires de transport se lancent dans des démarches de labellisation de l’accessibilité proposée. Ces démarches consistent à évaluer la qualité de l’accessibilité et du niveau de service offert sur les réseaux de TC. Elles permettent de valoriser les actions réalisées et  permettent également de mettre en lumière les marges de progrès dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue.

Une charte nationale a été signée fin juin entre la ministre en charte des transports Elisabeth Borne, la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, les représentants des autorités organisatrices de transport (GART, Régions de France) et des entreprises de transport (UTP, FNTV).