Cet article fait partie du dossier : Le Cerema mobilisé pour adapter le bâti au changement climatique
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Les collectivités possèdent et gèrent un grand nombre de bâtiments publics. L'adaptation au changement climatique des bâtiments existants fait partie de leurs enjeux actuels majeurs. Elles ont en effet la responsabilité de planifier, rénover et entretenir ceux-ci dans une visée d'exemplarité, pour impulser une dynamique territoriale, mais aussi et surtout pour conserver la fonctionnalité et la sécurité requise des équipes publics face aux aléas climatiques car elles sont en charge de la protection des usagers (habitants, agents, élèves, patients, etc.) face aux aléas climatiques.
Selon l'échelle de la collectivité, les bâtiments concernés sont les établissements scolaires (écoles, crèves, collèges et lycées), les établissements administratifs (mairie, centres techniques), les bâtiments culturels et sportifs (centres culturels, médiathèques, etc.) et certains centres de santé, de sécurité et de secours.
Une méthode pour adapter les bâtiments aux différents aléas
Les bâtiments publics font face à différents aléas :
Les vagues de chaleur
Les sécheresses
Les fortes pluies
Les tempêtes
et vents extrêmes
Les épisodes de grêle
La montée du niveau de la mer
et la submersion marine
Les feux de forêts
et les incendies de végétation
Les vagues de chaleur
Plus fréquentes, plus longues et plus intenses, notamment en zones urbaines avec les îlots de chaleur urbain : elles ont pour conséquences de dégrader les conditions d’utilisation du bâtiment en impliquant une surchauffe dans les bâtiments, ce qui a un impact sur la santé et la productivité des occupants, enjeu d’autant plus marqué que certains occupants peuvent être des publics vulnérables.
Les sécheresses
Plus fréquentes et avec une durée de retour à la normale plus longue, couplées au phénomène du risque de Retrait et Gonflement des Argiles (dit RGA) : elles peuvent engendrer des désordres structuraux sur le bâti, rendant les réparations nécessaires très couteuses.
Les fortes pluies
Plus fréquentes et plus intenses, sur des sols souvent largement imperméabilisés ou érodés : elles entraînent un risque accru de ruissellement et d’inondation, qui peut dégrader les fondations, les équipements électriques ou les matériaux sensibles à l’humidité et le mobilier. Elles peuvent également perturber l’accessibilité et l’usage des bâtiments (fermeture temporaire, évacuations, détériorations des voiries d’accès, etc.).
Les tempêtes et vents extrêmes
Les tempêtes et vents extrêmes, potentiellement plus intenses selon les zones : ils peuvent endommager les toitures, les façades, les menuiseries extérieures, ainsi que les équipements en toiture (panneaux solaires, antennes…). Ces événements augmentent le risque de chutes d’objets, de bris de vitres ou d’infiltrations d’eau, mettant en cause la sécurité et la continuité de service dans les bâtiments concernés.
Les épisodes de grêle
Plus fréquents et intenses localement, peuvent endommager toitures, vitrages, façades ou équipements extérieurs. Ces dégâts compromettent l’étanchéité et la sécurité des bâtiments, et peuvent perturber temporairement leur fonctionnement.
La montée du niveau de la mer et la submersion marine
Elle expose les bâtiments côtiers à un risque accru d’inondation temporaire ou permanente, de corrosion des structures, d’érosion des sols et de salinisation des nappes phréatiques, pouvant rendre certains sites inhabitables ou inutilisables à long terme.
Les feux de forêts et les incendies de végétation
De plus en plus fréquents et intenses, notamment en période estivale et dans des zones jusque-là peu concernées : ils représentent un risque direct pour les bâtiments situés en interface forêt-habitat (IFH), avec des menaces d’endommagement ou de destruction par les flammes, les braises ou la chaleur rayonnante. Ils peuvent aussi entraîner des évacuations d’urgence, une perte d’usage temporaire ou prolongée, ainsi que des impacts indirects liés à la fumée (dégradation de la qualité de l’air intérieur, effets sanitaires, en particulier pour les publics sensibles).
Afin de planifier l’adaptation des bâtiments à ces aléas climatiques, les collectivités doivent s’assurer de prioriser les bâtiments sur lesquels intervenir, et ce en hiérarchisant par niveaux de risques les bâtiments de leur parc.
Le Cerema a développé pour cela la méthode dite ABCD, ou "Adaptation des Bâtiments au Climat de Demain". Cette méthode s’appuie sur l’expertise transversale du Cerema, sur les différents aléas climatiques et sur les bâtiments, pour proposer un accompagnement à l’établissement d’une stratégie patrimoniale d’adaptation pour les bâtiments de collectivités, ou des parcs à plus large échelle. Cette méthode est en effet déclinable à toutes les échelles, de quelques bâtiments à plusieurs centaines de milliers.
Découpée en deux phases, elle propose un diagnostic de risques, puis fournit des recommandations pour l’établissement d’une feuille de route « adaptation du parc bâtimentaire ».
Une méthode en deux phases
Phase 1 : Le diagnostic de risque
Le diagnostic de risques est effectué pour chacun des aléa en croisant deux analyses : une pour l'exposition et lune pour la vulnérabilité.
Afin d'évaluer l'évolution du risque de chacun des aléas, l'analyse d'exposition s'appuie :
La vulnérabilité, elle, croise une analyse de sensibilité du bâtiment face à chaque aléa, et une réflexion relative aux enjeux du bâtiment :
- L’évaluation de la sensibilité résulte de la prise en compte de la réponse du bâtiment en fonction de ses critères physiques (enveloppe, structure, fondation, équipements, …).
Elle est exprimée, pour chaque aléa, à l’aide d’un score de 1 (faible sensibilité) à 4 (sensibilité maximale).
- Les enjeux du bâtiment dépendent de l’utilisation du bâtiment, de la valeur du bien et des services économiques et sociaux rendus, ainsi que de la vulnérabilité des occupants.
Phase 2 : Les recommandations pour la feuille de route "adaptation de parc bâtimentaire"

À l’issue du diagnostic, la méthode ABCD propose des recommandations opérationnelles, hiérarchisées selon les niveaux de risque identifiés, couplés aux enjeux des bâtiments.
Les bâtiments sont classés en groupes de priorisation pour permettre aux collectivités :
- de cibler les bâtiments nécessitant une intervention immédiate,
- d’identifier ceux pouvant intégrer l’adaptation dans des projets de rénovation déjà programmés,
- de planifier dans le temps les actions sur les bâtiments à moindre risque ou à enjeux moindre.
De plus, pour chaque aléa identifié comme critique, la méthode propose des pistes d’adaptation techniques et organisationnelles et des solutions d’adaptation fondées sur la nature (SAFN), adaptées aux typologies de bâtiments concernées.
Ces recommandations permettent aux collectivités d’élaborer une feuille de route d’adaptation, progressive et pragmatique, qui s’intègre dans leur stratégie patrimoniale globale. La feuille de route s’articule autour de trois logiques d’adaptation complémentaires.
L'adaptation transformatrice : repenser en profondeur
Cette approche, systémique, consiste à modifier en profondeur les caractéristiques d’utilisation et/ou les usages d’un bâtiment, voire à le désaffecter ou à relocaliser ses usages si nécessaire. Elle s’envisage sur le long terme, pour les bâtiments très exposés, très vulnérables, ou appelés à évoluer dans leurs fonctions.
Exemples d'actions :
- Modifier les horaires d’utilisation des locaux, ou reconfigurer les espaces à utiliser,
- Reconvertir un bâtiment exposé à la submersion en équipement saisonnier ou non essentiel,
- Regrouper plusieurs services dans un bâtiment mieux adapté,
- Modifier l’usage d’un site devenu inadapté au fil du temps.
Cette logique est essentielle pour accompagner les mutations territoriales liées au climat, en assumant que la collectivité ne pourra pas tout maintenir en l’état.
L'adaptation incrémentale : améliorer l'existant

Il s’agit d’apporter des améliorations à des bâtiments existants, qui puissent être évolutives. Ces actions sont inscrites dans une trajectoire d’adaptation pour le bâtiment, et pourront être déclenchées selon les niveaux d’impacts du changement climatique. Ce sont les actions à intégrer dans les opérations de maintenance ou de rénovation.
Exemples d'actions :
- Installer des protections solaires ou des espaces d’ombrage,
- Renforcer la ventilation naturelle,
- Végétaliser les abords immédiats,
- Adapter les capacités d’évacuations pour limiter les infiltrations lors de fortes pluies.
C’est la logique majoritaire dans les étapes d’une stratégie d’adaptation : elle prolonge l’usage du bâtiment tout en réduisant sa vulnérabilité.
La logique incrémentale permet également de lutter contre les actions d’adaptation qui généreraient de la maladaptation, soit une mauvaise adaptation. Il s'agit d'une adaptation qui contribue à augmenter la vulnérabilité du fait du report de cette dernières (qu'elle soit temporelle ou spatiale) sur d'autres systèmes ou écosystèmes du fait d'un manque de prise en compte des incertitudes.
Exemple d'une maladaptation : considérer un bâtiment comme étant "adapté" dès lors que des simulations, suivant le climat estival de 2100 ont été réalisées, et ont conclu à la nécessité de l'installation d'une climatisation. Celle-ci aurait donc été installée dès 2025, par anticipation. Cette approche pose question : installation d'une climatisation non nécessaire en 2025, sollicitée inutilement, consommatrice d'énergie et contributrice au phénomène d'amplification du changement climatique, et donc des risques à venir. A l'inverse, en tenant compte de la logique incrémentale, un bâtiment ne pourra jamais être considéré comme "adapté". il sera nécessaire de le faire évoluer selon une trajectoire d'adaptation progressive, qui déterminera les échéances et facteurs de déclenchements de la mise en place d'actions adaptatives.
L'adaptation réactive : prévoir de faire face à l'urgence
Cette logique s’applique lorsque l'on sait que les aléas vont provoquer des dommages ou une mise en danger, et ce de manière inéluctable. Il est alors impératif de prévoir la réaction rapide qui s’imposera pour assurer les continuités de services, sécuriser les bâtiments pour protéger les occupants, puis restaurer le bâtiment.
Exemples d'actions :
- Prévoir une fermeture temporaire pour cause de surchauffe ou d’inondation et une zone de repli, ou zone refuge, qui soit adaptée,
- Prévoir une mise en sécurité après un épisode de tempête et des méthodes de communication pour alerter les usagers et leur donner les consignes de sécurité,
Prévoir les méthodes de prévention et remédiation sur des éléments structurels fissurés du fait des sécheresses et RGA, telle que la solution MACH, - Prévoir en amont les techniques de reconstruction avec les principes de « Build Back Better » (BBB) en amont de catastrophes naturelles.
Bien que ponctuelle, l’adaptation réactive est nécessaire, en particulier pour maintenir les services publics essentiels face aux événements extrêmes.
L'accompagnement du Cerema, pour une une feuille de route adaptée au contexte
La feuille de route n’est pas un document figé : elle est pensée comme un outil d’aide à la décision pour intégrer l’adaptation dans les cycles de gestion patrimoniale.
Le Cerema propose un accompagnement pour :
- Former les agents en charge du patrimoine et sensibiliser les élus,
- Proposer des recommandations adaptées aux divers parcs immobiliers et échelonner les interventions de bureaux d’études pour effectuer des diagnostics de vulnérabilité complémentaires afin de confirmer les actions d’adaptation à mettre en œuvre,
- Anticiper les mises à jour du diagnostic, à mesure que les connaissances climatiques s’affinent.
Dans le dossier Le Cerema mobilisé pour adapter le bâti au changement climatique