21 octobre 2025
Baie de l'Authie (Hauts-de-France) littoral
Laurent Mignaux - TERRA
Connaissant à la fois des phénomènes d’érosion et à l’inverse de sur-sédimentation dans son estuaire, la baie d’Authie est un territoire littoral fragile et en évolution. Les acteurs du territoire ont souhaité approfondir la connaissance de ces phénomènes et construire une stratégie de gestion du trait de côte afin de réduire le risque d’inondation dans les zones urbanisées et de réduire l'érosion.

L’estuaire de l’Authie, peu urbanisé, fait face au-delà des phénomènes saisonniers, à une sédimentation au sud ainsi qu’au recul du trait de côte au nord, rendant vulnérables les terres situées en zone de polder (qui se trouvent à 5m d’altitude en moyenne). Le risque d’inondation et de submersion y est important, en particulier dans des conditions climatiques dégradées (fortes pluies, marée, vent, sol déjà gorgé d’eau…), et différentes actions ont été entreprises ces dernières années pour réduire l’érosion.

La complexité des phénomènes sédimentaires en cours a amené la Communauté d’Agglomération des deux Baies en Montreuillois (CA2BM) et le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard (SMBS-GLP) à faire appel au Cerema afin d’approfondir la connaissance des phénomènes et de les accompagner dans la construction d’une stratégie de gestion du trait de côte. L’objectif de ce travail était d’intégrer les différents facteurs d’évolution du trait de côte pour identifier les actions d'adaptation pertinentes sur le long terme, tout en permettant la transmission et l’appropriation des connaissances utiles par les acteurs du territoire.

 

Connaître les phénomènes en cours et leur évolution

Fleuve Authie au niveau de l'estuaire - Laurent Mignaux TERRA

Une équipe pluridisciplianire a été constituée au Cerema, avec des compétences en morphodynamique du littoral, ouvrages hydrauliques, aménagement du littoral, modélisation hydrosédimentaire.

Le Cerema a d’abord mené une étude bibliographique sur le littoral et les mouvements sédimentaires (en s’appuyant notamment sur le guide "Dynamiques et évolution du littoral", Fascicule 1 : Synthèse des connaissances de la frontière belge à la pointe du Hourdel" : contexte géographique, géomorphologique, sédimentologique, hydrologie, évolution du trait de côte sur les différentes parties du littoral.

L’étape suivante a consisté à déterminer la vulnérabilité du territoire aux inondations / submersions en utilisant les études des plans de prévention existants à différentes échelles (PPRI, PPRN, PAPI) et les données disponibles sur les vents, les niveaux de mer et la houle, les courants.

 

 

Parmi les éléments à prendre en compte :
  • La pente de la rivière Authie est très faible (pente moyenne de 1 ‰), son cours est donc lent et sinueux avec de fortes divagations dans l’estuaire. De ce fait, l’influence de la marée remonte parfois jusqu’à 15 km dans les terres lors des forts coefficients de marée
  • Le trait de côte a fortement évolué depuis le XIIe siècle, avec un déplacement au nord de l’estuaire (encore 700 mètres entre 1947 et 1997 selon les photos aériennes) et le colmatage progressif des anciens estuaires, en raison des houles dominantes.
  • Les aménagements fondés sur la nature réalisés sur les dunes au nord de Berck afin de favoriser l’accrétion a permis de ralentir le phénomène voire de l’inverser. Un système de drainage "EcoPlage" a également été mis en place sur le front de mer de Quend Plage afin de lutter contre l’abaissement de l’estran.
  • La rive nord de l’estuaire est davantage vulnérable à l’érosion du fait de la divagation du chenal de l’Authie qui est contrainte par la progression au sud de la pointe sableuse de Routhiauville.
  • Les zones basses arrière-littorales sont vulnérables aux risques d’inondation/submersion. Un réseau dense de canaux et de fossés permet le drainage de ces zones basses via des portes à flot.

Le Cerema a ensuite synthétisé les solutions d'aménagement étudiées ainsi que celles déjà mises en œuvre, ainsi que leur impact sur l'évolution du trait de côte.

 

Analyse des solutions déjà envisagées et des solutions mises en œuvre

Canaux dans les terres pour le drainage des zones basses / Cerema

Différentes solutions d’aménagements ont été étudiées dans la baie d’Authie  :

  • Etude numérique de la baie et de solutions pour réduire l’érosion : Une modélisation numérique en 2D (avec Telemac) a été construite, afin de transcrire l’évolution de la baie, d’évaluer les perspectives d’évolution et de tester des solutions d’aménagement qui prennent en compte la prévention contre le colmatage comme le maintien d’un caractère estuarien. 6 solutions ont été testées (construction d’épis déflecteurs, d’un chenal, d’un bassin…) avec des projections à 5 et 21 ans qui ont montré que les deux solutions les plus efficaces auront des impacts importants, entraînant la modification de l’hydraulicité de l’estuaire et le colmatage accéléré de l’entrée de la baie, sans freiner totalement l’érosion.
  • Etudes d’avant-projet de rechargement massif du bois des Sapins, sujet à une forte érosion en raison du déplacement du lit de l’Authie vers la dune.
  • Travaux prévus par le PAPI et la stratégie de gestion intégrée du trait de côte (réhabilitation et sécurisation de sites à l’interface terre – mer)
  • Travaux sur la baie d’Authie menés dans le cadre du projet Life Adapto qui a exploré l’impact d’une dépoldérisation.
  • Etude prospective pour la définition d’une stratégie de gestion durable du trait de côte au sud de Fort-Mahon-Plage qui a envisagé plusieurs solutions (remontée de sable chaque année, géotextile et pieux, talus en enrochements, prolongement du perré par rechargement de sable.

Dans un second temps, le Cerema a procédé à la synthèse des solutions mises en œuvre ces dernières années et de l’évolution récente du littoral.

  • Pose de filets (système S-Able) en bord de rive pour réduire les courants et favoriser les dépôts de sédiments qui a montré une efficacité relative à très court terme.
  • Réhabilitation et renforcement d’un cordon d’enrochements en pied de dune à l’Anse des Sternes, un secteur en recul malgré de nombreux travaux historiques.
  • Rechargements ponctuels et massifs (270 000 m3 de sable) de la plage du Bois des Sapins, accompagné de la construction de la digue rétro-littorale dans la zone à l’arrière du cordon dunaire.

L’analyse des études récentes sur l’évolution récente du littoral met en évidence de forts contrastes entre les zones de sédimentation et les zones de recul du trait de côte, en fonction des courants. 

Les aménagements réalisés, notamment le rechargement des plages ne parviennent pas à arrêter l’érosion mais modifient fortement la circulation des courants.

Ce travail bibliographique a ensuite été complété par des entretiens et un questionnaire auprès des élus et techniciens du territoire.

  • Co-construire une stratégie de gestion du littoral

    Un enjeu pour la gestion du trait de côte est de coordonner l’action au nord et au sud de la baie d’Authie. La CA2BM et le SMBS-GLP ont demandé au Cerema de les accompagner dans la construction d’une stratégie durable de gestion du trait de côte

    19 sites spécifiques sur le territoire ont été identifiés (parc à moules, digues, bois des Sapins, secteurs du littoral…). Pour chaque site, les possibilités d’aménagement et les impacts hydrosédimentaires seront analysés à court, moyen et long terme (10 ans, 30 ans et 50 ans), et les facteurs du coût, du temps et des impacts environnementaux seront intégrés ainsi que les éléments projetés par le PAPI, le caractère léger ou lourd des aménagements, le recul du trait de côte, les marées, la saisonnalité, le changement climatique. Un scénario sans intervention spécifique permettra d’évaluer les impacts des aménagements sur le long terme.

    L’objectif est de réaliser une analyse systémique des impacts de différents aménagements en s’appuyant sur une grille d’analyse multicritères afin d’éclairer la réflexion des acteurs locaux.

    A l’issue de cette analyse, le Cerema proposera également une stratégie de gestion de la baie et des littoraux adjacents via un plan d’actions.