27 mai 2025
circulation interfiles des motos
Laurent Mignaux - TERRA
Le 06 mai 2025, le Cerema a organisé une présentation des résultats des évaluations des expérimentations de la circulation inter-files (CIF) des deux-roues motorisés.

Décidée par le gouvernement puis entrée dans la réglementation le 09 janvier 2025, la circulation inter-files des deux-roues motorisés (2RM) a été expérimentée une première fois en France sur les autoroutes et les voies à caractéristiques autoroutières de onze départements entre 2016 et 2021 puis une seconde fois sur un périmètre élargi entre 2021 et 2024. L’objectif principal de ces expérimentations était d’encadrer la pratique largement répandue parmi les 2RM et d’évaluer les effets d’une réglementation et d’un encadrement de cette pratique. 

Ces évaluations ont été confiées par la Délégation à la sécurité routière au Cerema, en collaboration avec l’Université Gustave-Eiffel et la société Ergocentre. Plusieurs aspects ont été abordés : comportements des conducteurs, acceptabilité de la mesure, formation en école de conduite, accidentalité ou encore signalisation de la pratique. Plus de 200 inscriptions ont été enregistées pour cette conférence.

Les supports de présentation ainsi que le replay de la conférence sont disponibles ci-dessous.

 

Pour plus de détail, se reporter au rapport d’évaluation : 

Le replay 

 

Les présentations :

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Questions et réponses :

Ci-après quelques questions qui ont été posées dans la discussion en ligne qui ne trouvent pas de réponse dans les présentations, voici les principales réponses.

 

La moitié des motards sur l’inter-file le plus à gauche roulent à plus de 50 km/h, est-ce à dire que la condition "congestion" est moyennement respectée ?

Cette donnée ne signifie pas que la condition de "congestion" est moyennement respectée. Elle a été obtenue après application d’un premier filtre, consistant à ne conserver que les situations répondant au critère de congestion.

Ainsi, la moitié des motards qui circulent sur l’inter-file le plus à gauche, dans des contextes autorisant la pratique, respectent la vitesse maximale de 50 km/h.

Concernant spécifiquement le respect du critère de congestion, les résultats de l’évaluation sont présentés dans l’illustration 33 du rapport pour la première zone expérimentale. En voici un extrait :

"Les modifications rapides et régulières des conditions de trafic, alternant entre des périodes fluides et des périodes congestionnées, présentes sur certains sites expérimentaux, sont de nature à dégrader les résultats sur les positions des 2RM lorsque les conditions de trafic redeviennent fluides. Durant ce phénomène de congestion en accordéon, le conducteur de 2RM anticipe la période congestionnée devant lui et met davantage de temps à regagner les voies de circulations normales, afin de ne pas avoir une circulation louvoyante, alternant fréquemment entre l’IF₁ et les voies adjacentes."

Il ressort de cette analyse que, de manière générale, les conducteurs de 2RM regagnent les voies de circulation normales lorsque le trafic se fluidifie, ce qui témoigne d’un comportement globalement conforme aux règles établies. 

 

Laurent Mignaux / TERRA

Les formateurs parlent du côté impraticable de certaines règles. Serait-il possible de détailler ? 

Pour 67 % des formateurs interrogés lors de la seconde expérimentation de la CIF, former à cette pratique revient à se heurter à l’incapacité de suivre les élèves en inter-files (29 %), au manque de contrôle sur l’apparition de la situation de formation (27 %) et à l’insécurité de l’enseignant qui accompagne l’élève (15 %). Ces éléments sont explicités dans l’illustration 59 du rapport d’évaluation.

 

L'influence de l'introduction des évolutions d'éclairage diurne des 2RM a-t-elle été évaluée ? 

Ce sujet n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique, la recommandation du Cerema portant sur les conclusions du projet AVIMOTO (Améliorer la VIsibilité des MOTOcycles ) qui explore déjà ce sujet.

 

Pour améliorer la visibilité des motards, l’autorisation de l’usage des feux de brouillard avant, hors période de brouillard, pourrait-elle être une solution ? 

Ce sujet dépasse la circulation inter-file des deux roues motorisés. 

 

Lors d’un accident routier, comment la vitesse du 2RM est-elle évaluée ? 

Ce sont les forces de l’ordre qui, à l’issue de leurs enquêtes, déterminent la vitesse à laquelle circulaient les motards impliqués dans un accident. Cette estimation repose sur un faisceau d’indices, croisant plusieurs sources d’information :

  • l’état du véhicule (par exemple un compteur de vitesse bloqué à l’impact),
  • les traces de freinage relevées sur la chaussée,
  • ou encore les déclarations des usagers et des témoins.

Des travaux de recherche tels que Voiesur, ont montré que les avis des forces de l’ordre concordaient avec le travail d’expertise de reconstitution des vitesses réalisé dans le cadre de ces recherches.

 

Dans le rapport d’évaluation précédent, à la page 16 figure un tableau synthétisant les données d’accidentalité impliquant un motard « entre deux files » sur les réseaux CIF expérimentaux. En se basant sur ces données, il ressort une augmentation de 49%. Pouvez-vous détailler ce résultat ? 

Pour mémoire, les données d’accidentalité lors de la première évaluation s’inscrivaient le contexte suivant :

  • un nombre d’accidents impliquant au moins un 2RM sur l’ensemble des réseaux des départements en baisse constante, hormis dans le Rhône et sur le site témoin, en Haute-Garonne.
  • Un nombre d’accidents impliquant au moins un 2RM sur les réseaux CIF expérimentaux, qui après avoir connu une augmentation sur l’ensemble des zones expérimentales en 2016 comparativement à l’état initial (hormis dans le Rhône), tendait à une stabilisation durant les années d’expérimentations (2016 à 2018)

Les données évoquées dans la question sont issues de l’analyse d’un échantillon de procès-verbaux d’accidents, lorsqu’ils étaient disponibles entre 2012 et 2014 (pour l’établissement de l’état initial) et 2016 et 2018 (années expérimentales évaluées). 

 

Pour déterminer les mécanismes d’accident et l’évolution de ces mécanismes impliquant un conducteur de 2RM en CIF ou RIF (remontée inter-files c’est-à-dire hors conditions de la circulation inter-files) dans les accidents impliquant un 2RM sur les réseaux expérimentaux, nous avons effectué une analyse d’un échantillon de procès-verbaux d’accidents disponibles lors de la première évaluation. Cette approche ne se voulait pas quantitative mais qualitative. Sur la base de ces échantillons de taille variable, il ressortait effectivement une augmentation globale de ces accidents entre l’état initial et les années expérimentales (2016-2018) en Gironde, qui s’est résorbée lors de la seconde évaluation (2021-2023) ainsi qu’en Ile-de-France. Sur les autres départements, les données étaient trop faibles pour qualifier leurs évolutions. L’ensemble des données est disponible dans le tableau ci-dessous.

 

Données brutes de l’accidentalité au cours de la première évaluation. 

 

La situation particulière de l’Ile-de-France, qui a une influence très forte sur l’ensemble des données de l’accidentalité, a fait l’objet d’analyses spécifiques, décrites dans les deux rapports d’évaluation. Notons que l’analyse des PV sur ce réseau a été réalisée dans le cadre d’un projet complémentaire, RECIF, pour analyser plus finement l’accidentalité sur ce territoire.

Ainsi, la donnée générale de 49%, calculée à partir de comparaison de moyenne est peu adaptée à ce contexte. Il convient davantage de noter l’augmentation de 40% des accidents impliquants un motard en CIF ou RIF sur le réseau expérimental de l’Ile-de-France entre l’état initial et les années expérimentales (2016-2018) dont une partie est probablement dû à un meilleur recensement par les forces de l’ordre.

Les données de la seconde évaluation indiquent que le nombre d’accidents impliquant au moins un 2RM « entre deux files » (CIF-RIF) se stabilise après une phase de croissance depuis le lancement de la première expérimentation (voir l’illustration 74, ci-dessous). Les effectifs actuels sont de l’ordre de ceux constatés en 2016, ce qui est positif en comparaison à l’accidentalité générale impliquant un 2RM sur le réseau CIF de l’Ile-de-France qui suit dans le même temps une tendance à la hausse (voir l’illustration 70 du rapport).

 

La congestion se traduisant souvent par des véhicules circulant "en accordéon", comment le différentiel de 30km/h entre le 2RM d'une part (qui roule normalement de façon stable) et les voitures (dont la vitesse oscille en permanence) peut-il être estimé ?

Dans l’évaluation, cette estimation a été effectuée à l’aide d’un logiciel de traitement automatisé d’image. La vitesse du motard en inter-files a été comparé à la moyenne des vitesses des véhicules circulant à proximité du 2RM. La méthodologie employée est détaillée dans les annexes du rapport.

En circulation, cette estimation est compliquée lors des ralentissements soudains et des reprises de trafic, pour les conducteurs de 2RM. C’est une des raisons pour lesquelles ce critère expérimental a été repris sous une version différente dans le Code de la Route, via la notion d’une vitesse maximale autorisée limitée à 30 km/h lorsque les files des véhicules sont arrêtées. Rappelons également que les résultats de l’évaluation indiquent que cet écart de vitesse est très majoritairement respecté par les motards qui circulent en CIF.  

Cette notion de différentiel de vitesse peut toutefois être conservée dans les éléments pédagogiques.

 

La CIF est-elle autorisée lorsqu'il pleut ? 

Conformément au Code de la route, la circulation inter-files (CIF) reste autorisée lorsqu’il pleut. Cependant, il est essentiel de rappeler les règles élémentaires de prudence liées à la glissance accrue des chaussées en conditions humides. En effet, selon l’état de la chaussée, l’intensité et la nature de la pluie, la pratique de la CIF peut s’avérer inopportune.

Il faut notamment être vigilant après une longue période de sécheresse : l’accumulation d’huiles, de résidus de pneus et autres polluants peut entraîner des phénomènes temporaires de glissance, rendant la conduite plus risquée, notamment entre les files.

 

Dans votre évaluation, considérez-vous comme fraude la circulation d'un 2RM "très à gauche" sur l’inter-files entre une voie réservée à gauche de la chaussée et la voie adjacente ?

D’un point de vue méthodologique, le même paramétrage a été appliqué dans le logiciel de traitement automatisé d’images pour définir la largeur de l’inter-file, quelle que soit la nature des voies adjacentes (voie de droite ou voie réservée).

Ainsi, dans le contexte cité, tout motard circulant en dehors de la zone définie comme inter-file a été comptabilisé comme en infraction dans l’évaluation.

La principale limite de l’expérimentation tient au fait que, durant la période d’étude, aucun dispositif de contrôle semi-automatisé n’était en place sur les voies réservées. En conséquence, le respect de celles-ci était très faible, et il n’existait donc que peu de situations où ces voies étaient réellement dégagées, ce qui limite la portée des conclusions.

Il est donc possible que les résultats seraient différents aujourd’hui, dans un contexte où le contrôle automatisé des VR2+ se généralise.

Des analyses complémentaires seront nécessaires, notamment dans le cadre des évaluations spécifiques aux voies réservées actuellement conduites. 

 

Ne serait-il pas pertinent d'introduire des règles de circulation de 2RM dans les VR, dans le cadre de leur expérimentation, pour valider ou invalider le gain éventuel ?

Ce sujet est en dehors de notre périmètre.

 

Sur des sections de route "en travaux" avec des largeurs de voies réduites (par exemple à 3.20 m, voir 3.00m), la CIF est-elle autorisée ?

Non, la CIF est interdite lors de travaux.

 

Quelle est la conduite à tenir lorsque la voie réservée (à gauche de la chaussée) est fluide et la circulation congestionnée sur les 2 voies de droite ?

 Le décret du 09 janvier 2025 précise que l’ensemble des voies de circulation doit être congestionné, la pratique de la CIF est donc interdite si la voie réservée est fluide.

 

Concernant la signalisation des sections concernées par la CIF, le gestionnaire doit-il les identifier par panneaux et lesquels ?

Actuellement, des réflexions sont en cours concernant le devenir de la signalisation routière de la CIF. Les panneaux existants ont été masqués dans l’attente de nouvelles directives. En 2025, il est envisagé de pouvoir informer de la possibilité de pratiquer la CIF. Cependant la présence des panneaux n’est pas nécessaire pour permettre la pratique de la CIF.

 

La largeur maximale autorisée de 1m pour les 2RM en CIF, comprend-elle les portes bagages ?

Cette notion est liée à l’espace disponible sur l’inter-file pour circuler en sécurité. Dans cette logique, elle comprend donc l’ensemble des équipements du 2RM.

 

La pratique de la CIF est-elle évaluée aux épreuves théoriques du permis de conduire ? 

La CIF est enseignée dans les formations aux permis auto et moto, depuis le lancement de l'expérimentation.

 

La CIF est-elle autorisée dans les tunnels ? Y a-t-il une possibilité d’interdire cette pratique sur certains points singuliers ?

Le décret du 09 janvier 2025 ne prévoit pas d’interdiction de la CIF dans les tunnels, elle y est donc autorisée si les conditions sont réunies. 

A ce jour, il n’existe pas de signalisation pour indiquer l’interdiction de la CIF sur certaines sections.

 

Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema

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