24 juin 2020
Vue d'une zone humide sur l'emprise du grand port de Bordeaux
Comment un maître d'ouvrage menant un projet qui implique des mesures compensatoires peut-il évaluer les pertes de fonctions sur une zone impactée, les gains fonctionnels sur une zone de compensation, et l'équivalence fonctionnelle, c'est-à-dire l'efficacité de la compensation?
Le Cerema a mené deux études sur ce sujet avec le Grand Port Maritime de Bordeaux et Bordeaux Métropole, en utilisant la méthode nationale d'évaluation des zones humides.

La loi sur la protection de la nature de 1976 a instauré le principe d’évitement, de réduction et de compensation des impacts négatifs sur l’environnement (biodiversité, eau, air, bruit, sol...). La Loi Grenelle de 2009 et la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ont renforcé cette séquence appelée "séquence ERC".

Ainsi, les maîtres d’ouvrage doivent prendre en compte l’environnement le plus tôt possible dans la conception des plans, programmes ou projets et proposer des mesures afin qu’ils soient le moins impactant possible. Si après évitement et réduction, il subsiste des impacts négatifs significatifs, alors ils doivent mettre en œuvre des mesures de compensation ; restaurer ou re-créer des milieux naturels détruits par exemple.

Pour cela, il faut évaluer l'équivalence fonctionnelle, c'est-à-dire estimer si les pertes fonctionnelles sur un site impacté sont compensées par les gains fonctionnels sur un site de compensation après la mise en œuvre des mesures compensatoires.

 

La méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides et la compensation

schéma d'une balance avec les pertes et les gains de chaque coté
Schéma : G. Gayet

Cette méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides (MNEFZH) développée en 2016 par l’Agence Française de la Biodiversité est en cours d’évolution (V2 prévue en fin d’année 2020). Elle vise à évaluer l’équivalence fonctionnelle.

Elle peut être utilisée en amont des projets par les maîtres d’ouvrage, pour alimenter les contenus de l’étude d’impact et du dossier Loi sur l’eau et vérifier que la zone humide de compensation envisagée compense bien les impacts négatifs prévus sur la future zone d’impact. Elle peut aussi être utilisée après travaux pour évaluer l’efficacité des mesures compensatoires.

Le prototype V1 de la méthode diffusé à ce jour, permet d’évaluer 3 grandes fonctions (hydrologique, hydrogéomorphologique et accomplissement du cycle de vie) déclinées en 10 sous-fonctions comme le ralentissement des ruissellements, la séquestration du carbone ou encore la connexion des habitats.

 

Deux exemples d’utilisation de la MNEFZH par des maîtres d’ouvrage dans le cadre de la compensation

Convention de partenariat de recherche et de développement entre le Grand Port Maritime de Bordeaux et le Cerema (2018-2019)

Vue d'une zone humides sur le terrain du GPMB
Zone humide sur les terrains de GPMB, premier site d'étude - Cerema

Le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) est propriétaire de nombreux terrains situés en zone humide le long de l’estuaire de la Gironde. Il s’interrogeait sur le potentiel de valorisation de ces espaces au titre des mesures compensatoires.

Pour cela il a souhaité, avec l’aide du Cerema, évaluer les pertes de fonctionnalités sur un site d’impact hypothétique sur lequel serait construit un terminal portuaire et les gains fonctionnels sur deux sites de compensation potentiels à l’aide de la MNEFZH. L’objectif était de voir si une équivalence fonctionnelle était envisageable.

Trois sites d’étude ont été choisis en y appliquant des impacts négatifs et des actions écologiques de restauration fictifs.

Le site impacté était une zone humide comprenant des forêts alluviales et des saussaies marécageuses. Les travaux prévus entraînaient l’artificialisation de la totalité de cette zone.

La première zone de compensation était une zone humide située à proximité du site d'impact et comportant des roselières, des forêts alluviales et des fourrés tempérés. Les actions écologiques consistaient à supprimer un remblai jouxtant la zone, défricher les ronciers et enlever les déchets afin que les habitats humides puissent à nouveau se développer.

La seconde zone de compensation était un site remblayé qui n’exprimait aucune fonctionnalité liée aux zones humides, mais qui se situait en continuité avec la 1ère zone de compensation. L’action de restauration consistait à supprimer le remblai et à décaisser le terrain afin de retrouver une zone humide.

L’application de la MNEFZH a fait ressortir les conclusions suivantes :

Vue d'un des sites envisagés pour la compensation
Un des sites d'étude pour la compensation 
  • Toutes les fonctions liées à la zone humide impactée ont disparu puisque le site est totalement détruit.
  • Sur la 1ère zone humide de compensation, de nombreux d’indicateurs étaient associés à un gain fonctionnel, mais de niveau faible car la zone était en relativement bon état au départ.
  • Sur la 2nde zone humide de compensation, de nombreux indicateurs étaient associés à un fort gain fonctionnel puisque l’on passait d’une zone non humide à une zone humide que l’on supposait fonctionnelle.
  • Au final, sur les deux zones de compensation, il n’y avait pas assez de gains pour compenser les pertes fonctionnelles sur le site impacté.

Ces simulations ont permis de démontrer l’intérêt de privilégier l’évitement, puis la réduction maximale des impacts afin de diminuer les compensations, compte-tenu de la difficulté à avoir un gain fonctionnel et au regard des disponibilités foncières existantes.

Différentes pistes de réflexion ont été proposées au GPMB pour mettre en œuvre la démarche ERC et tendre vers une équivalence fonctionnelle en cas de compensation (diminution de la surface d’impact, utilisation du foncier épargné comme zone de compensation, décaissement de remblai sur une superficie plus grande...).

 

Appel d’offre pour Bordeaux Métropole (2018-2019)

Dans le cadre d’un appel d’offre remporté par le bureau d’études Eliomys en 2018 portant sur l'approche "compensation" dans différents projets d'aménagement sur la Métropole bordelaise, le Cerema intervient en sous-traitance pour mettre en œuvre la MNEFZH sur tout le territoire :

  • essentiellement sur des zones humides de compensation envisagées. Dans ce cas, il s’agit d’étudier le gain fonctionnel potentiel avant mise en œuvre des actions écologiques et avec actions écologiques envisagées.
  • parfois, à la fois sur les zones humides impactées par de futurs projets et les zones humides de compensation envisagées pour évaluer l’équivalence fonctionnelle.

Ces éléments sont transmis à Eliomys qui est en charge de localiser des zones de compensation potentielles pour Bordeaux Métropole. Cette méthode est utilisée comme un des éléments d’aide à la décision.

 

En conclusion

La méthode d’évaluation des fonctions des zones humides a été appliquée pour traiter des questionnements en situation réelle et simulée en y apportant un éclairage scientifique.

Utilisée en amont par les maîtres d’ouvrage et leurs prestataires, la MNEFZH peut permettre de ré-orienter les projets en évitant et en réduisant les impacts sur les zones humides avant de s’orienter vers la compensation en dernier recours.

Elle permet de fournir des éléments de réflexion sur le choix du projet, sa localisation, voire son opportunité.

 

Formation à la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides :

Le Cerema délivre régulièrement avec l'Office Français de la Biodiversité des formations sur la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides, à destination des organismes publics, des bureaux d'études, des maîtres d'ouvrage et des services de l'état.

Retrouvez les informations sur les formations à venir:

 

Formation Cerema

Formation OFB