18 novembre 2025
résidence gabon
Cerema
Le concours Réhab XX a mis en avant des projets de réhabilitation exemplaires de bâtiments construits dans la seconde moitié du XXe siècle, afin de partager des bonnes pratiques et une approche globale de la réhabilitation de ces bâtiments qui intègre les enjeux architecturaux, environnementaux, énergétiques et l’implication des différents acteurs. Retour sur le séminaire de clôture de la démarche et les ateliers.

Le Palmarès Rehab XX a été initié en 2023 par le ministère de la Culture, en partenariat avec le Cerema, pour valoriser des opérations de réhabilitation et de transformation de différents types de bâtiments construits après 1946, qui constituent une part importante du parc immobilier.

Organisé en mars 2025, le séminaire était structuré autour d’une conférence suivie d’ateliers dont la restitution a eu lieu en fin de journée. L'objectif était de rassembler acteurs et apprenants (étudiants, enseignants, maîtres d’ouvrage, professionnels, haute fonctionnaire de la transition écologique) pour ouvrir un débat sur la réhabilitation comme enjeu central du XXIe siècle et inscrire la réflexion dans la nouvelle stratégie nationale pour l’architecture lancée récemment par le ministère.

 

Séance plénière :

Les participants ont été accueillis par Mme Isabelle Robert au nom du directeur de l’école Paris Val-de-Seine. L'introduction a été réalisée par Hélène Ferandez, directrice, adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture.

Principaux constats
  • La réhabilitation est aujourd’hui une forme essentielle de création architecturale : construire avec l’existant plutôt que systématiquement démolir.
  • Les questions écologiques et réglementaires transforment les pratiques et appellent nouveaux référentiels et savoir-faire (enseignement et pratique).
Les enjeux :
  • Faire émerger des pratiques pédagogiques et professionnelles renouvelées pour enseigner et réaliser la transformation de l’existant.
  • Favoriser des échanges horizontaux entre tous les acteurs afin d’adapter normes, politiques publiques et enseignement.
  • Encouragement à remonter les problèmes réglementaires rencontrés pour faire évoluer la loi et les pratiques.

 

Les ateliers

Les ateliers étaient organisés autour de 3 séquences:

  • Présentation et débat sur le thème de chaque atelier
  • Echanges entre étudiants et lauréats du palmarès XX
  • Production d’une réflexion et préparation de la restitution

 

Confort d’été et d’hiver, une nouvelle donne pour la transformation du patrimoine du XXe siècle ?

Modérateur : Philippe Villien, professeur à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Belleville, co-responsable du réseau scientifique et pédagogique ENSAECO

Référent Cerema : Noélie Carretero, ingénieure

Les points clés :
  • Chevilly-Larue, Ecole Jacques Gilbert Collet / Architectes Croixmariebourdon - photo : Cerema

    Le rôle de la maîtrise d’ouvrage consiste essentiellement à effectuer les arbitrages nécessaires et à orienter les équipes de maîtrise d'œuvre.

  • La liberté créative de l’architecte est essentielle, tout en plaçant l’usager au cœur de la conception : l’approche collaborative vise à assurer l’appropriation et la pérennité des projets.
  • Un retour d’expérience sur le projet de réhabilitation énergétique de l’école d’architecture de Montpellier a été partagé. Le succès de l’opération est lié à l’implication active des usagers et de la maîtrise d’ouvrage dans l’évolution du bâtiment. La transmission de l’essence du projet, tant sur le plan architectural que technique, est essentielle pour garantir une transformation répondant aux enjeux de confort et de performance énergétique.
  • La création d’un manuel d’usage a été mise en avant comme un outil indispensable pour accompagner les utilisateurs dans la valorisation et l’exploitation optimale des dispositifs mis en œuvre.
  • La prise en compte des enjeux paysagers, de biodiversité et de renaturation dans les critères de performance des projets s’inscrit dans une démarche prospective et d’anticipation des impacts du changement climatique.
  • La formation des étudiants en architecture pourrait évoluer pour intégrer davantage le confort et la réhabilitation énergétique, ainsi qu’à une approche plus collaborative des différents acteurs dans la conception des projets, notamment en vue de la sensibilisation des usagers.

Conclusion : Cet atelier a ainsi permis de dégager un consensus sur la nécessité d’une approche intégrée de la réhabilitation. L’implication des différents acteurs – maîtrise d’ouvrage, maîtrise d'œuvre, usagers – est jugée essentielle pour construire un futur où le confort d’été et d’hiver devient le socle d’une transformation durable et responsable du bâti existant.

 

Quelles valeurs architecturales à partager entre acteurs ?

Modérateurs : Jérôme Villemard, maître de conférences à l’École nationale supérieure de Strasbourg, co-directeur du domaine mutations, co-pilote du réseau scientifique et pédagogique « Architecture et Transformation » et François Frédéric Muller, maître de conférences à l’École nationale supérieure de Strasbourg, co-directeur du domaine mutations, directeur du master archéologie, co-pilote du réseau scientifique et pédagogique « architecture et transformation »

Référent Cerema : Cédric Lentillon, ingénieur et architecte DPLG.

Les points-clés :
  • Paris-85 rue Petit / Architecte : Encore Heureux - Photo :Cerema

    Construction neuve et transformation de l'existant ne suivent pas les mêmes processus : les acteurs de l’architecture doivent repenser l'approche de la transformation des édifices et des territoires pour intégrer une diversité d’expertises.

  • L’atelier a permis de mettre en évidence la nécessité de décloisonner les compétences ainsi que les étapes traditionnelles du diagnostic et du projet, pour adapter le projet tout au long de son développement et fluidifier le dialogue entre les acteurs.
  • La réhabilitation devait être envisagée comme un processus évolutif, anticipant et intégrant les transformations à long terme des territoires. L’idée de faire de la transformation un vecteur de résilience, capable d’accueillir l’inconnu et d’évoluer au fil du temps en prenant en compte les besoins actuels et futurs, a été largement partagée.
  • Les discussions ont également porté sur le diagnostic comme composante du projet, qui révèle les potentiels et les difficultés du bâtiment en termes de réhabilitation.

Conclusion : L’atelier a mis en exergue la nécessité de repenser les processus de la réhabilitation, en favorisant une approche plus collaborative, interdisciplinaire et fondée sur un travail de diagnostic continu. En invitant à décloisonner les étapes traditionnelles du diagnostic et à réinventer les modalités de la commande, les participants ont mis en exergue l’idée que la réhabilitation devait être envisagée comme un processus en réseau, fédérant des compétences diverses – techniques, économiques, sociales, etc. – afin de repenser la fabrique architecturale de manière globale. Ce processus implique d’envisager la transformation dans une logique globale, où chaque acteur apporte sa contribution à un récit collectif.

 

Usage de l’existant comme ressource du projet architectural

Modératrice : Aurélie Husson, maîtresse de conférences et chercheuse au LHAC à l’École nationale supérieure d'architecture de Nancy

Référent Cerema : Céline Gourvil, architecte DE

Les points clés :
  • Paris-Mouzaïa 58-66/ Architecte : Canal Architecture - Photo : Cerema

    L’atelier a permis d’interroger les limites et les périmètres autour de trois notions : le programme, le contexte spatio-temporel et le diagnostic.

  • Le diagnostic pourrait guider la conception. Il a un rôle central pour permettre la flexibilité du projet et alimenter la réflexion durant tout son déroulement. Il aurait même intérêt à être mené avant la définition du projet, pour permettre de s’adapter aux spécificités du bâti.
  • Pour transformer l’existant, il est essentiel de prendre en compte les ressources du terroir et le contexte local, en envisageant la transformation comme un processus dynamique, capable de s’adapter aux évolutions des territoires. Les programmes pourraient-ils être ajustables en fonction du potentiel existant et local ?
  • L’idée de développer des "plans de gestion" à l’échelle des bâtiments, comme un outil de transformation moins intrusif que la réhabilitation lourde, basé sur des actions d'entretien et de maintenance continue, a été proposée.
  • L’atelier a ouvert la réflexion sur le rôle de l’architecte et son implication dans la maîtrise d’ouvrage, ou la promotion.

Conclusion : Une réflexion a été menée sur la manière de repenser l’usage de l’existant comme une ressource précieuse pour le projet architectural, en valorisant le diagnostic comme levier de transformation et en favorisant une approche interdisciplinaire et évolutive. En effet, en réinterrogeant le rôle du diagnostic, du programme et du rapport au temps, il devient possible de dépasser certaines limites habituellement établies. Le dépassement de schémas traditionnels ouvre la voie à des projets innovants, capables de s’adapter aux réalités complexes des territoires et de répondre aux défis contemporains de la réhabilitation.

 

Que faire de la "part maudite" de l’architecture du XXe siècle ?

Modérateur : Paul Landauer, professeur et chercheur à l’OCS à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Est, co-responsable du réseau scientifique et pédagogique "Architecture et Transformation"

Référent Cerema, Élodie Rousseeuw, ingénieure

Les points-clés :
  • Eglise à Ugine transformée en centre d'art et de rencontres / Architecte : Lis & Daneau - Photo : Cerema

    Que faire de ce que l’on ne peut pas garder dans les architectures héritées du XXe siècle, qu’il s’agisse des bâtiments ou de leurs composants ? En enlevant certains éléments, le projet de transformation du bâtiment peut être enrichi.

  • Si l’héritage est lié au bâti aussi bien qu’aux usages ou encore aux ambiances associées, comment se réapproprier les usages, par exemple dans le cadre de la réhabilitation d’une église désacralisée en espace culturel ? Ces usages peuvent-ils être préservés, réinterprétés ? Pour conserver la trace d’usages passés, on peut s’appuyer sur la photographie, la vidéo, le témoignage.
  • La réhabilitation, qui constituera l’essentiel de la pratique, devrait être abordée dès le début des cursus d’architecture.
  • En amont de la réhabilitation, une  expertise scientifique et industrielle sur la réparation des ou le remplacement de matériaux qui n'ont pas été conçus pour être réparés ou améliorés, mais plutôt pour être utilisés puis jetés, est nécessaire.

Conclusion : La question de la soustraction dans la réhabilitation de ces bâtiments est un sujet complexe, où se croisent des préoccupations architecturales, techniques, environnementales et patrimoniales. Plutôt que de voir la soustraction comme une opération destructrice, les échanges ont souligné son rôle potentiel comme levier créatif et informatif, capable de nourrir un projet de transformation de manière durable et respectueuse du passé. Les participants ont ainsi appelé à une approche transdisciplinaire, intégrant archivage, diagnostic évolutif et réflexion sur les usages, afin de repenser le patrimoine de manière innovante et résiliente. Car si la soustraction d'éléments matériels peut apparaître comme une rupture, elle peut aussi constituer un vecteur d'innovation et de préservation.

 

Construire les conditions du projet

Modérateurs : Étienne Léna, maître de conférences à l’ENSA Paris-Val de Seine et Laurence Veillet, maîtresse de conférences associée à l’ENSA Paris-Val de Seine

Référent Cerema : Andrés Litvak, ingénieur et docteur en physique du bâtiment

Les points clés :
Gacé-Collège Jean Moulin / Soon Architectes - Photo : Cerema
  • L’atelier a abordé le concept de "devoir de connaissance", pour s’appuyer sur la connaissance du bâti existant afin d’enrichir la transformation. Dans l’autre sens, la transformation peut enrichir la compréhension du patrimoine architectural. Cette connaissance doit être compréhensible et partagée, dans ce contexte les architectes et la maîtrise d’ouvrage ont un rôle important à jouer.
  • Le rôle central de l’architecte, qui se trouve l’intersection de multiples savoirs et expertises qu’il peut synthétiser et capitaliser.
  • Les usagers ont une expertise, ils utilisent le bâtiment au quotidien, peuvent en révéler les faiblesses comme le potentiel.
  • Prendre en compte l’historique du bâtiment, même moderne, ses évolutions qui montrent des enjeux d’adaptation aux usages et nouveaux besoins, contribue à construire la connaissance.

Conclusion : cet atelier a ouvert la voie à une réflexion sur les devoirs de connaissance et de transmission, mettant en avant la nécessité du partage comme élément essentiel pour répondre aux enjeux actuels et futurs.