29 septembre 2025
tramway
B. Daval - Cerema
La végétalisation des plateformes tramway suscite des débats parfois contradictoires et des postures contrastées sur les bonnes pratiques en matière de conception ou de gestion de ces plateformes, principalement concernant la gestion de la ressource en eau ou l’adaptation de nos villes au réchauffement climatique.
Quels sont les bénéfices et les contraintes de gestion et d’entretien pour les AOM, les exploitants et les gestionnaires de voirie ?

Face aux impacts du réchauffement climatique et à la multiplication des périodes de sécheresse et de restriction d’usage de l’eau, les plateformes de tramway végétalisées tendent à perdre, pendant la période estivale, leur côté vert et esthétique, intégré dans une trame paysagère de qualité. Pour autant, les attentes autour des services rendus par la végétalisation des plateformes tramway sont fortes. Cela dépend également des régions, des pratiques des gestionnaires, des usages et des conditions climatiques rencontrées sur chacun des réseaux. Il n'y a donc pas une solution unique mais une diversité de solutions et de pratiques à partager

Pour répondre aux questions de Nantes Métropole et de la Semitan, exploitant du réseau de tramway de Nantes, le Cerema a interrogé différents réseaux français afin d’identifier quelles étaient les attentes et les pratiques en matière de gestion et d’entretien de ce type de plateforme tramway.

 

Une thématique qui cache des enjeux multiples et complexes

Une approche pluri-disciplinaire de la question

L’objectif principal de l’étude était d’avoir une vision pluridisciplinaire de la problématique, notamment sur :

  • les implications d’une plateforme végétalisée en matière de conception de l’infrastructure ;
  • les modalités de gestion, d’arrosage et d’entretien de la plateforme végétalisée ;
  • les impacts en termes de coûts de gestion, de contraintes d’exploitation et les plus-values apportées par la végétalisation (qualité paysagère, lutte contre la surchauffe urbaine, biodiversité...).

Un entretien conjoint a été mené avec les exploitants et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de neuf réseaux pour approfondir des premiers éléments quantitatifs recensés par l’intermédiaire d’un questionnaire adressé à chacun des réseaux.

L’étude concerne, à ce stade, la végétalisation de la plateforme tramway, uniquement à l’intérieur du GLO[1].

 

Neuf réseaux français interrogés

Tramway de Nantes Naolib - Crédit : Fabian photographie

Neuf réseaux de tramway français ont ainsi été contactés : Angers, Brest, Ile-de-France Mobilité, Lyon, Montpellier, Nantes, Nice, Strasbourg et Tours. Le choix des réseaux reflète à la fois la diversité des climats locaux français et la maturité des réseaux de tramway.

Les projets recensés concernent presque exclusivement des créations de lignes ou des extensions de lignes existantes. Un seul projet de rénovation de plateforme tramway a été recensé et prévoit une évolution vers une plateforme végétalisée : à Nantes, sur le quai de Versailles, à l’occasion du remplacement des rails sur une section de 800m à l’été 2023, la plateforme a été végétalisée avec du sedum, une plante qui ne nécessite pas d’arrosage.

Les données quantitatives ont permis de faire ressortir un linéaire de plateforme tramway végétalisé variant selon les réseaux de 30 % à 75 % du linéaire total de tramway. Cela représente 8 à 10 km sur les réseaux les plus jeunes n’ayant qu’une seule ligne de tramway actuellement en service (Brest, Tours) et plus de 20 km cumulés de plateforme végétalisée sur les réseaux les plus anciens comme Lyon, Montpellier ou Strasbourg, où quasiment toutes les lignes du réseau sont concernées.

Des enjeux complexes

Si les plateformes tramway végétalisées sont présentées comme moins coûteuses à la conception, les coûts d’entretien et de gestion peuvent peser de façon importante pour les réseaux en fonction des choix qui sont faits.

 

L’utilisation d’un matériau non minéral sur la plateforme présente plusieurs avantages :
  • une meilleure lisibilité de la séparation des espaces par mode et des usages autorisés, la plateforme enherbée impose un effet dissuasif pour les autres usagers de la voirie (véhicules motorisés, vélos, piétons),
  • un côté esthétique certain et paysager qui s’intègre dans la trame végétale de la ville,
  • la recherche d’intégration dans les stratégies de rafraîchissement des villes, de dés imperméabilisation de leurs sols, voire de contribution à la biodiversité en ville.
Les inconvénients associés à la gestion de ces espaces ne sont toutefois pas négligeables :
  • complexité de gestion de cet espace vert et de répartition des compétences selon que l’on se situe dans le GLO ou sur ses abords,
  • complexité des tâches d’entretien de la végétation à réaliser avec du matériel adapté en complément du nettoyage des rails : enlèvement des déchets, désherbage, taille et tonte, amendement et scarification, soufflage et ramassage des feuilles si présence d’arbres à proximité…
  • prise en compte pour les tâches d’entretien des contraintes d’exploitation du tramway et de la sécurité des agents intervenant sur la plateforme (vigie, vitesse tramway réduite...)
  • coûts relatifs à l’arrosage et l’entretien , notamment en cas d’intrusion sur la plateforme par des véhicules et de dégradation du système,
    maîtrise de l’approvisionnement en eau.

Des efforts importants pour maîtriser les coûts

L’arrosage et l’entretien des plateformes végétalisées représentent un coût important pour les gestionnaires comparativement aux plateformes minérales. L’optimisation de ces coûts fait l’objet de différentes stratégies, plus particulièrement pour mieux maîtriser le coût de l’arrosage  :

  • choix d’une conception induisant de moindres besoins d’arrosage pour les nouvelles lignes uniquement (plateforme avec épaisseur de substrat plus conséquente qu’une plateforme béton classique, choix optimisé des végétaux…)

  • ajustement automatique de l’arrosage programmé : réduction des plages d’arrosage programmées dans la semaine ou la journée…

  • mise en place ou modernisation d’une Gestion Technique Centralisée (GTC) permettant un pilotage très fin des besoins : repérage des fuites du réseau de distribution, remontée d’alertes journalières, suivi des compteurs d’eau en temps réel, optimisation des consommations grâce à l’aide de capteurs mesurant l’hydrométrie de la plateforme, ou encore un ajustement des consommations en fonction des ombres portées sur la plateforme…

  • réduction des besoins en eau par une amélioration du maintien de l’humidité : surveillance par des capteurs d’hygrométrie, réduction des tontes sur les surlargeurs…

  • préparation de la végétation à la sécheresse en optimisant au mieux les arrosages en amont des épisodes plus chaud

  • partenariat étroit avec le prestataire en charge de l’arrosage : intéressement ou pénalité financière du prestataire sur une limite de consommation d’eau à ne pas dépasser, rédaction d’un mode opératoire d’arrosage partagé en fonction des seuils de restriction déclarés par la préfecture avec un mode plus restrictif que la règle, travail étroit avec les professionnels pour limiter l’arrosage par consignes et contraintes dans le CCTP… 

Des enseignements à approfondir

Ce tour d’horizon des pratiques en France a permis de mieux comprendre les différents enjeux relatifs à la gestion des plateformes tramway végétalisées. Le triptyque eau-sol-végétal optimal n’est pas encore identifié, et tous les réseaux sont à la recherche de la meilleure alliance selon leur contexte et leur climat local et de son évolution. 

Ces premiers enseignements méritent d’être approfondis à l’échelle plus large que la seule plateforme tramway (GLO) pour mieux qualifier la contribution réelle d’une plateforme tramway végétalisée à l’adaptation de nos villes au changement climatique, mais également pour mieux prendre en compte les contraintes et les bénéfices (pour les autres usagers) apportés par les arbres à proximité de la plateforme.
 

 


[1] Gabarit Limite d’Obstacle (GLO)  : Le tramway étant assujetti à la trajectoire de ses rails, le GLO définit l’enveloppe maximale utilisée par un tramway (largeur du matériel roulant + espace de sécurité) dans lequel aucun équipement ne doit être installé.