Voies réservées aux transports en commun et au covoiturage : où en est-on ? Retour sur le Rendez-vous Mobilités du 09 octobre 2025
Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
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Le secteur des transports représente près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France, avec une stagnation des émissions entre 1990 et 2020. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il est indispensable de réduire la place de la voiture individuelle et de favoriser les mobilités partagées et collectives. Les voies réservées aux transports en commun et au covoiturage constituent un levier essentiel pour optimiser l’usage des infrastructures existantes, améliorer la fluidité du trafic et encourager le report modal vers des solutions plus durables.
Les voies réservées permettent d’améliorer les conditions de circulation pour les véhicules autorisés (transports collectifs seuls sur VRTC ou tous véhicules multi-occupants sur VR2+), sans dégrader significativement les conditions pour les autres usagers. Elles encouragent ainsi le report modal, c’est-à-dire le passage de la voiture solo vers des alternatives plus vertueuses, tout en limitant les reports d’itinéraire qui déplaceraient simplement la congestion vers d’autres axes. Enfin elles contribuent à réduire les émissions de CO2 en incitant les usagers à privilégier le covoiturage et les transports en commun.
Retours d’expérience terrain : Nantes Métropole et Aix-Marseille
Nantes Métropole – Voie réservée au covoiturage sur le boulevard de la Prairie de Mauves
Le projet de Nantes Métropole concerne une voie réservée de 2,3 kilomètres, aménagée sur une voie centrale précédemment neutralisée, dans le sens sortant de Nantes. Cette voie est réservée aux véhicules transportant au moins deux personnes, ainsi qu’aux transports en commun, aux taxis et aux véhicules de secours. La vitesse y est limitée à 50 km/h, contre 80 km/h précédemment sur la voie générale.
Les résultats obtenus après deux ans d’expérimentation sont encourageants. Les covoitureurs gagnent entre cinq et six minutes en heure de pointe, ce qui représente un gain significatif pour inciter au report modal. Le taux de fraude reste très faible pour les voitures, à seulement 1,2 % du trafic total, mais il est plus élevé pour les deux-roues motorisés, qui utilisent souvent la voie pour doubler. Un différentiel de vitesse important entre la voie réservée et la voie générale a été observé, ce qui peut poser des problèmes de sécurité en cas de changement de voie.
L’acceptabilité de cette voie réservée a été mitigée au départ, notamment en raison d’une incompréhension des véhicules autorisés et de la limitation de vitesse. Cependant, des ajustements récents, comme la suppression du logo "véhicule à très faible émission" barré et le relèvement de la vitesse maximale autorisée sur la voie générale ont amélioré la situation.
De futures évaluations, et les possibles évolutions de la réglementation, permettront à Nantes Métropole et à l’Etat de statuer sur le devenir de cette voie réservée.
DIR Méditerranée, Aix-Marseille – Voie réservée au covoiturage sur l’A502
Le projet d’Aix-Marseille concerne une voie réservée de 600 mètres, aménagée sur une ancienne bande d’arrêt d’urgence entre deux échangeurs. Cette voie est réservée aux véhicules transportant au moins deux personnes, aux transports en commun, aux taxis et aux véhicules à très faible émission. La vitesse y est limitée à 70 km/h, contre 90 km/h sur les voies générales. Un radar pédagogique a été installé pour alerter les conducteurs qui utilisent la VR2+ sans y être autorisé.
Les résultats montrent que cette voie est principalement utilisée en heure de pointe du matin, avec un pic d’utilisation représentant entre 8 % et 20 % du trafic total. Les usagers autorisés mettent cinq fois moins de temps à traverser cette section en heure de pointe, ce qui représente un gain de temps considérable. Le taux de fraude est élevé le matin, atteignant 40 à 45 %, mais il diminue avec le temps. Une réduction de 15 % des émissions de CO2 a été observée le matin, grâce à une meilleure fluidité du trafic. Aucun impact négatif sur la sécurité ou l’accidentologie n’a été relevé, malgré des excès de vitesse fréquents en dehors des heures de pointe.
Ce projet démontre que les voies réservées peuvent être efficaces même sur des sections courtes, à condition d’être bien conçues et accompagnées de dispositifs de contrôle adaptés. L’utilisation d’un radar pédagogique a pu potentiellement jouer un rôle clé dans la réduction de la fraude et l’amélioration de l’acceptabilité.
Bilan national des voies réservées en France (Cerema)
Le bilan national des voies réservées produit par le Cerema porte sur treize sections de voies réservées, incluant huit voies réservées au covoiturage et cinq voies réservées aux transports en commun. Ces sections représentent différentes configurations, comme la prise de voie de gauche, la réutilisation de la bande d’arrêt d’urgence ou l’élargissement de la chaussée. Les indicateurs évalués concernent la sécurité, l’acceptabilité, l’efficience et l’environnement.
Sécurité et acceptabilité
Aucun accident mortel n’a été relevé sur les sections étudiées. Cependant, une hausse des accidents matériels, qui reste toutefois à confirmer dans le temps au vu de la faible durée d’observation disponible sur ces aménagements récents, a été observée sur certains sites, notamment à proximité des bretelles d’entrée et de sortie des échangeurs. Les comportements à risque portent essentiellement sur les manœuvres d’évitement près des dispositifs de contrôle.
Le respect des vitesses maximales, variables suivant les sites, semble directement lié à l’acceptabilité de la vitesse réglementaire et aux conditions de circulation. Le respect de la VLA est ainsi plus faible sur les voies réservées à 50km/h que sur les voies réservées à 70km/h. Une adaptation de la vitesse des usagers de la VR2+ en fonction de la vitesse de la voie adjacente est observée. Cette adaptation s’effectue de manière à maintenir un différentiel de vitesse en moyenne inférieur à 45km/h.
Les taux de fraude, parfois importants, diminuent considérablement après mise en place du contrôle sur toutes les voies concernées. Cette conclusion demeure à nuancer en raison des comportements d’évitements constatés à proximité des radars.
La compréhension de la signalisation reste à approfondir. Bien que 80 à 97% des usagers trouvent les panneaux lisibles, seulement deux tiers les comprennent pleinement. Les points de difficulté concernent principalement les logos des véhicules autorisés, le signal losange pour les VR2+, et les règles pour les deux-roues motorisés.
Efficacité et environnement
Les gains de temps pour les usagers des voies réservées sont toujours significatifs par rapport aux usagers des voies générales en heure de pointe, allant de 10 à 126 secondes par kilomètre.
Les premiers résultats des bilans évalués s’avèrent encourageants à l’échelle de la section aménagée, notamment en ce qui concerne les gains d’émissions de gaz à effets de serre, qui profitent des légères baisses du trafic et d’une modification des vitesses se rapprochant de l’optimum d’émissions des moteurs thermiques.
Ils reposent toutefois sur une observation d’une baisse de trafic à court terme qui demande à être confirmée à plus longue échéance en s’assurant que les reports s’orientent vers un changement de mode plutôt qu’un changement d’itinéraire.
Si les autres indicateurs, polluants et bruit, sont également positifs ils reposent sur trop peu d’aménagements pour être généralisés.
Conclusion et ouverture
Il semble donc pertinent de poursuivre le développement de ce type d’aménagements, tant les VRTC que les VR2+, d’une part en ciblant a priori des projets présentant des conditions favorables et d’autre part en portant les efforts d’amélioration sur les faiblesses relevées par le présent bilan.
Suite du bilan national des voies réservées en France : quels besoins d’évolution de la doctrine technique des voies réservées ? DGITM
Les questions de techniques restant en suspens à la suite du BNVR et devant faire l’objet d’études complémentaires sont les suivantes :
- Approfondir les RETEX sur les VR2+
- Concevoir des solutions de VR2+ réalisables sur 2X2 voies, qui permettent de conserver les fonctions de la BAU en dehors de l’activation de la VR ;
- Poursuivre l’analyse des domaines de pertinences des modalités d’ouverture de la VR (dynamique/ plages fixes/ permanentes) ;
- Progresser dans la connaissance des reports observés entre abandons du déplacement, reports d’itinéraire ou reports modaux ;
- Approfondir la connaissance des impacts des contrôles.
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
