10 avril 2020
Jardin partagé de l'écoquartier des docks à Saint-Ouen
Arnaud Bouissou - TERRA
Alors que l’artificialisation des sols repart à la hausse depuis deux ans, de quels leviers disposent les collectivités pour limiter l’étalement urbain ? Le Cerema propose une approche globale qui permet de favoriser l’efficacité de l’artificialisation en assurant la qualité des projets et du cadre de vie.

L’artificialisation des sols en France métropolitaine est particulièrement prégnante sur le littoral, et autour des métropoles, et elle repart à la hausse depuis 2016. Ainsi, de 2017 à 2018, 23.295 hectares ont été artificialisés en France métropolitaine et dans les DOM, dont 70% environ sont dédiés à l’habitat et 30% à l’activité.

 

Vers un objectif de "zéro artificialisation nette"

carte de l'artificialisation des sols L’observatoire de l’artificialisation des sols, alimenté par le Cerema, permet de suivre l’évolution de l’artificialisation depuis 2009 jusqu’au 1er janvier 2018 et d’en connaître les facteurs déterminants.

Les pouvoir publics évoquent un objectif de "zéro artificialisation nette", et de nombreuses collectivités ont déjà intégré cet enjeu dans les politiques locales. Le Cerema a accompagné certaines d’entre elles pour adapter les documents de planification.

Des pistes de solutions se trouvent dans la conception des formes urbaines, de manière à mieux utiliser l’espace : on parle d’efficacité de l’artificialisation, une notion amenée à s’imposer en matière d’urbanisme.

L’efficacité de l’artificialisation traduit le nombre de m² de foncier nécessaire pour construire 1 m² de bâti, à destination d’habitat ou d’activité. On observe que, plus on s’éloigne des centres-villes et des métropoles, moins l’efficacité de l’artificialisation est grande.

On peut évaluer la trajectoire de l’artificialisation à travers l’évaluation de trois indicateurs : construction, renouvellement urbain, densité.

L’artificialisation est donc le fruit de deux forces contraires :

  • La construction, qui a tendance à pousser à la hausse la consommation,
  • L’efficacité (densité et renouvellement urbain), qui a tendance à pousser à la baisse la consommation.

A Nantes, par exemple, de 2009 à 2017, 11,7 hectares ont été artificialisés pour l’habitat, ce qui a permis d’accueillir 11.138 ménages. Dans le même temps, la commune du Pellerin a artificialisé 6,5 hectares pour l’habitat, et a accueilli 258 ménages.

Dans cet exemple, bien que Nantes ait artificialisé davantage de terrain, l’efficacité de cette artificialisation a été plus importante.

 

Améliorer l’efficacité de l’artificialisation : repenser les formes urbaines

jardin entouré d'immeubles dans un éco quartier
Arnaud Bouissou - TERRA

L’enjeu aujourd’hui est d’augmenter l’efficacité de l’artificialisation du sol. Pour un hectare artificialisé, les collectivités cherchent souvent à densifier les constructions, ce qui passe par un travail sur le cadre de vie et la qualité d’usage.

Tout d’abord, les villes, petites et grandes, mènent aujourd’hui des opérations de renouvellement urbain, c’est-à-dire en reconstruisant la ville sur la ville. Le Cerema a développé une méthode en collaboration avec la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de la Gironde pour identifier le foncier libre ou les friches au regard d’un niveau de densité acceptable, pour chaque commune du territoire.

Dans les métropoles, ces opérations d’aménagement peuvent être assez vastes, notamment celles qui sont menées sur d’anciennes friches industrielles, militaire ou hospitalières, alors que dans les centres-bourgs elles se concentrent sur la requalification d’îlots dégradés dans l’objectif de faire revenir les habitants dans des centres anciens et d’en améliorer l’attractivité. Le rôle des Etablissements Publics Fonciers est central dans la mise en œuvre de ces projets.

Les villes cherchent aussi à construire davantage en hauteur : des immeubles remplacent des maisons, on surélève certains bâtiments…

Cependant, une densification mal opérée dégrade la qualité de vie des habitants. L’enjeu est d’augmenter la densité des opérations d’aménagement, tout en conservant ou améliorant la qualité du cadre de vie. Cela est possible, mais nécessite un travail fin, à l’échelle de l’opération ou du quartier.

Les projets qui s’inscrivent dans la démarche des EcoQuartiers répondent à ces enjeux et dans 75% des cas, il s’agit d’opérations de renouvellement urbain. A travers le renouvellement du tissu mais aussi la réponse à d’autres engagements, elles améliorent  la qualité de vie des habitants dans des quartiers où l’on cherche à accroître l’efficacité de l’artificialisation en densifiant les formes urbaines.

Dans le référentiel EcoQuartiers, l’ engagement 6 est en effet de "Travailler en priorité sur la ville existante et proposer des formes urbaines adaptées pour lutter contre l’étalement urbain".

A l’échelle de l’aménagement, la nature en ville est un élément crucial pour la qualité de vie des habitants dans les espaces urbains, combinée avec l’aménagement paysager des quartiers : outre l’intérêt en termes de gestion des eaux pluviales, de préservation des milieux humides et de la biodiversité, ou encore de lutte contre le phénomène d’îlots de chaleur urbains, la présence de nature en ville répond à une forte demande des citoyens et participe grandement à l’amélioration du cadre de vie.
Intégrer la nature en ville dans la conception des projets d’aménagement permet de densifier tout en assurant un meilleur cadre de vie aux habitants.

 

Une étude avec une approche sociologique a été menée par le Cerema en Ile-de-France sur la perception par les habitants de la densification urbaine. Il apparaît que l'acceptabilité de la densité par les habitants n'est pas corrélée à la densité mesurée, et les projets les plus denses ne sont pas ceux qui sont les moins acceptés.

L’acceptabilité d’un projet relève davantage de :

  • Sa qualité (celle des logements, la présence d’espaces publics, la desserte en transports en commun),
  • Son insertion dans son contexte territorial (prise en compte des éléments existants, du patrimoine, des fonctions et usages par les habitants…)
  • Sa temporalité (la rapidité de réalisation de certains projets semble être un frein dans leur acceptation),
  • Son équilibre dans la programmation (mixité fonctionnelle, importance des services et équipements)

 

Les outils offerts par la planification

Allée bordée de végétation basse dans un écoquartier
Arnaud Bouissou - TERRA

Au-delà des lois à portée nationale allant dans le sens d’une réduction de l’artificialisation, c'est à l'échelle des territoires et de la planification qu'il est possible de fixer le cadre de la limitation de l'étalement urbain.

Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et le PLUi (intercommunal) qui visent à définir, à partir du projet de territoire, l’utilisation des sols en concertation avec les acteurs du territoire, permettent, à travers le plan de zonage [1], de réguler les zones à urbaniser au profit des zones naturelles et des zones agricoles.

Les PLU peuvent fixer ces règles selon les articles L.151-26 à 28 du code de l’urbanisme, et notamment, dans la partie réglementaire directement opposables aux autorisations d'urbanisme : imposer dans des secteurs situés à proximité des transports collectifs une densité minimale de constructions, définir des zones à l'intérieur desquelles un dépassement des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol est autorisé (dans la limite de 20% de dépassement dans le cas général).

Dans les Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP), ils peuvent également définir des actions qui permettent le renouvellement urbain et favorisent la densification (L.151-7 du code de l’urbanisme) pour les futurs projets.

Ces règles et orientations spécifiques sont établies en lien avec les objectifs de modération de la consommation d’espace qu’ils fixent, et l’analyse des capacités de densification qu’ils mènent de façon obligatoire depuis la loi ALUR de 2014 (R.151-1 du code de l’urbanisme).

Le Cerema a accompagné de nombreux territoires ayant mis en œuvre le PLUi avec un objectif d’efficacité de l’artificialisation, par exemple pour limiter la densification pavillonnaire d’une ville moyenne, ou identifier les règles du PLU permettent de densifier l’espace avec des logements collectifs.

Vue d'immeubles en facades métalliques dans un écoquartier avec des formes de blocs
Arnaud Bouissou - TERRA

De même, les SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale), documents de planification à portée de long terme à l’échelle d’un bassin de vie, permettent de développer un projet de territoire en intégrant des enjeux de densification.

Les Scot, qui visent à intégrer des enjeux environnementaux tels que les corridors écologiques, l’équilibre entre développement urbain et préservation des espaces naturels, ou encore de mixité et de diversité des fonctions urbaines, constituent un autre instrument sur lequel les collectivités peuvent s’appuyer pour donner un cadre à l’urbanisation.

Ainsi, les articles L.141-6 à 9 du code de l'urbanisme permettent d'inclure, dans les Doo (documents d'orientation et d'objectifs, qui sont les documents opposables aux PLU), ce type de mesure, comme fixer des objectifs chiffrés de consommation économe de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, ou définir des secteurs, situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés, dans lesquels les plans locaux d'urbanisme doivent imposer une densité minimale de construction, ou encore imposer des études de densification. 

 


[1] Le zonage comprend 4 types de zones : zones urbanisées, zones à urbaniser, zones naturelles, les zones agricoles.

Dans le dossier Nature en Ville : développer les solutions fondées sur la nature dans le milieu urbain

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