21 octobre 2025
Chantier d'isolation par l'extérieur d'une maison de santé : isolation bois
Arnaud Bouissou - TERRA
Le Cerema était présenta au Congrès national du Bâtiment Durable organisé à Lille le 4 septembre 2025. L'occasion de faire le point sur le contexte, notamment en région Hauts-de-France, les besoins et les leviers d'action en termes d'adaptation du bâti au changement climatique.

Le changement climatique impacte dès à présent notre quotidien : accélération et amplification des phénomènes climatiques, vagues de chaleurs, raréfaction des ressources naturelles disponibles, érosion de la biodiversité et des bénéfices apportés à la santé humaine, tensions géopolitiques…

Un constat : il n’y a pas de mobilisation internationale évidente sur le plan politique pour engager les processus de transformation profonde permettant de face à ces défis et menaces. Dans ce contexte, on assiste à une optimisation des dépenses publiques et privées, et des choix qui s’opèrent notamment par pans de secteurs d’activité au niveau des acteurs socio-économiques.

Les sujets sont complexes, et il y a des solutions à construire localement : le Cerema Hauts-de-France est un établissement de référence pour l’atténuation et surtout l’adaptation des bâtiments au changement climatique.

Concrètement, nos bâtiments sont soumis aux aléas [1] du changement climatique suivants :

  • Les vagues de chaleurs
  • Les sécheresses
  • Les fortes pluies
  • Les tempêtes et vents extrêmes
  • Les épisodes de grêle
  • La montée du niveau de la mer et la submersion marine
  • Les feux de forêts et les incendies de végétation

2/ Réduire la vulnérabilité aux risques climatiques et anticiper les crises

Le Retrait Gonflement des Argiles (RGA)

En France :

  • 48% du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte
  • 10,4 millions de maisons individuelles sont exposées à un risque RGA fort ou moyen, soit 54.2% de l’habitat individuel
  • La Caisse Centrale de la Réassurance estime que la sinistralité sécheresse annuelle moyenne à l’horizon 2025 connaîtra une progression comprise entre 60% et 190%.

En Hauts-de-France, l’aléa de retrait-gonflement des argiles couvre 78% de la surface régionale. Le département du Nord est le plus impacté (89% de la surface départementale) ; le département de la Somme est le "moins" touché des Hauts-de-France (72% de la surface départementale).

Le Cerema cherche aujourd'hui à massifier la solution MACH+ : Les techniques classiques de confortement sont souvent lourdes à mettre en œuvre et coûteuses. Le procédé MACH est basé sur le principe de réhumidification des sols argileux, afin de rééquilibrer leur état hydrique de façon écologique pendant les périodes de sécheresse.

Le dispositif est le suivant :

  • D’abord, on récupère les eaux de pluie de la toiture, pour les stocker dans des cuves.
  • Ensuite, des capteurs implantés dans le sol de fondation mesurent en continu la succion du sol. Cette mesure est utilisée comme indicateur du niveau de dessiccation.
  • Ainsi, durant la sécheresse, lorsque la valeur de succion dépasse le seuil critique prédéfini, la réhydratation progressive du sol, par l’infiltration contrôlée de l’eau de pluie, est réalisée à proximité des fondations. Cela est fait grâce à un réseau hydraulique enterré, qui alimente plusieurs points d’humidification disposés autour des façades fissurées.
  • Des fissuromètres  sont utilisés pour instrumenter quelques fissures existantes pour suivre leur ouverture ou fermeture sous l’effet de la réhumidification du sol de fondation

Le risque inondation

En France :

  • Le risque inondation concerne 18.5 millions de français
  • 2560 communes sont regroupées en 124 territoires à risque important d’inondation (TRI)
  • 40% des habitants des TRI sont susceptibles de voir leur logement directement touché par ces inondations

En Hauts-de-France, 2.2 millions d’habitants en Hauts-de-France concernés, soit 6 communes sur 10. Les évènements de 2023-2024 dans le Pas-de-Calais ont nécessité 670 millions d’€ de travaux de remise en état d’après la Caisse Centrale de Réassurance.

Une preuve de concept bâtiment (POC) résilient aux inondations à cinétique lente : en construction au Cerema Hauts-de-France, cette POC a pour objectif de lever des freins culturels, techniques et économiques. Elle vise à :

  • améliorer la culture du risque auprès des élus et de la population
  • développer un diagnostic de vulnérabilité universel (éventuellement ouvert à d’autres aléas)
  • rendre le bâtiment et tout particulièrement les matériaux plus résilients au passage et à la stagnation de l’eau, tendant vers une classification des matériaux au regard de leur sensibilité à l’eau
  • dépasser le principe assurantiel du non enrichissement (l’assureur ne peut pas rembourser plus que la valeur des matériaux initiaux) ou de la reconstruction à l’identique.

 

3/ La sensibilisation des usagers, acteurs de l’adaptation au changement climatique

Le bâtiment est un objet technique au service de ses usagers. L’effort d’adaptation doit donc nécessairement être partagé. Il est ainsi indispensable de sensibiliser les usagers à la notion de confort, de les former à l’utilisation de ces bâtiments en lien avec les nouvelles normes d’adaptation et de les amener à faire évoluer leurs pratiques pour en assurer une utilisation optimale. La réponse "usage" est complémentaire de la réponse technique à l’adaptation au changement climatique.

L’angle "atténuation" a été déjà largement travaillé pour les usages : par exemple avec le programme CUBE de sobriété énergétique permettant environ 12 % de gains obtenus sans investissements (via la gestion des temps d’éclairages, des horaires de chauffage adaptés, "journée pull chaud"). Il est clairement temps de passer à l’angle adaptation et préparer les usages de demain, pour être prêts au mieux en 2050 (gagner 1 ou 2 degrés de non chauffe des bâtiments, ventilation au bon moment pour ne pas faire entrer la chaleur et optimiser les phases de refroidissement de l’air extérieur, nouvelles pratiques de recours à la climatisation…).

 

L'enjeu est d'engager des évolutions de modèles de société plus résiliente, en mettant au centre les usagers de demain des bâtiments, pour réinventer le confort d’été et d’hiver, en embarquant tout le secteur du bâtiment (de ceux qui rénovent à ceux qui conçoivent les bâtiments).


[1] Aléas : phénomène résultant de facteurs ou de processus qui échappent, au moins en partie, au contrôle humain

Dans le dossier Le Cerema mobilisé pour adapter le bâti au changement climatique

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