Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
Voir les 52 actualités liées à ce dossierLe stationnement est un thème très transversal et au niveau du Cerema plusieurs secteurs d'activités sont concernés : la sécurité des déplacements, l'aménagement de l'espace public et de la voirie, les politiques de mobilité (dont le stationnement)…
Une opportunité pour repenser l'aménagement de l'espace public
Au départ il s'agit d'une problématique de sécurité des traversées piétonnes : dégager la visibilité au niveau des traversées devrait voir disparaître certains scenarios d’accidents.
Mais la portée de cette mesure va beaucoup plus loin : reconquérir ces espaces, c'est une opportunité pour des villes/villages plus inclusifs, plus sûrs et accueillants, plus adaptés aux modes actifs, …. Cette reconquête d’espaces implique effectivement des bouleversements, tant en termes d'offre de stationnement qu'en termes d'usages et d'aménagement des espaces publics.
"Afin d'assurer la sécurité des cheminements des piétons en établissant une meilleure visibilité mutuelle entre ces derniers et les véhicules circulant sur la chaussée, aucun emplacement de stationnement ne peut être aménagé sur la chaussée cinq mètres en amont des passages piétons, sauf si cet emplacement est réservé aux cycles et cycles à pédalage assisté ou aux engins de déplacement personnel" Art L. 118-5-1 du Code de la voirie routière
Cet article créé par la LOM (article 52) impose aux collectivités de se mettre en conformité pour le 31 décembre 2026. Ce délai de 5 ans est à la fois court et long : il faut sensibiliser et mobiliser les élus dès maintenant. Outre son impact sur l’organisation du stationnement, la neutralisation de places de stationnement est également une problématique d’acceptabilité sociale, de types d’aménagement et de coût.
Réglementation, règles de l’art et pistes d’aménagement
La réglementation, mais aussi les règles de l’art et les pistes d’aménagement possibles sont présentées par Cédric Boussuge et Nicolas Furmanek (Cerema). La fiche existante (lien) et le support de présentation permettent de reprendre les éléments de règles en différenciant ce qui est obligatoire de ce qui est recommandé.
Il convient d’insister sur le fait que la distance réglementaire de 5m à l’amont d’un passage piéton n’est pas toujours suffisante pour assurer la co-visibilité entre les piétons en situation de traversée et les conducteurs de véhicules. Celle-ci varie selon la nature de la voie.
Ainsi, en se fondant sur les règles de calculs du triangle de visibilité) :
- Pour une rue limitée à 30 km/h, une neutralisation de 5m peut suffire pour permettre une traversée sécurisée à partir d’une avancée de trottoir.
- Dans le cas de rues à 50km/h avec des passages piétons aménagés avec avancée de trottoir, une neutralisation variant entre 7 et 10m, selon les configurations de la rue (par exemple, présence de bandes cyclables ou pas), s’avère toutefois souhaitable pour assurer une bonne co-visibilité entre conducteur et piéton.
Précisons que la réglementation dit que seul le stationnement y est interdit, l’arrêt 5 m en amont des passages piétons restant possible. Cependant l’occupation même temporaire d’une aire de livraison par un poids lourd représente un masque à la visibilité très fort. Il est recommandé d’engager une réflexion plus globale sur le déplacement de ces espaces d’arrêt
De nombreuses questions et discussions s’en sont suivies, notamment sur :
- les possibilités de végétalisation de ces espaces amont et les contraintes d’entretien ?
- l’occasion de créer des stationnements pour vélos pour en améliorer le maillage ;
- la bonne articulation entre autorité compétente en matière de gestion de la voirie et maires détenteurs du pouvoir de police ;
- la différence entre arrêt (pour les livraisons) et le stationnement,
- les questionnements de stationnement alterné ?
- les recommandations quant aux traversées suggérées.
Replay présentation
Des possibilités d’aménagements
La protection des arceaux vélo sur Bordeaux Métropole :
Arnauld Durouchoux (Directeur de la signalisation) développe la stratégie de la métropole de Bordeaux sur l’implantation d’arceaux vélos et leurs modalités de protection. La neutralisation des stationnements motorisés en amont des passages piétons est une bonne occasion pour la Métropole de répondre à une attente de plus en plus forte des usagers du vélo en mal de stationnement: (l’ajout de stationnements pour vélos).
Il pointe toutefois les difficultés posées par les îlots protégeant ces arceaux, et l’importance de différencier la stratégie de déploiement de ces arceaux en fonction de la configuration de la voie et de ses contraintes : vitesse, contexte historique, rue circulée ou de desserte.
A noter que les arceaux implantés en biais sont plus appréciés des cyclistes, et que quelques emplacements plus larges complétés par un pictogramme au sol permettent le stationnement des vélos-cargos.
Le nombre de passages piétons s’élève à 6000 sur l’agglomération dont 1000 sont concernés par la neutralisation. Ce nombre élevé pose question pour la mobilisation d’un budget.
Outre la solution des arceaux vélos, la pose de jardinières sur les emplacements à neutraliser n’est pas une solution retenue par la Métropole qui indique le risque de surcoût et l’entretien difficile pour les services des espaces verts que cela entraînerait.
Indépendamment de cette mise en conformité avec la LOM, la ville de Bordeaux propose aux riverains de remplacer les places de stationnement situées devant chez eux par des espaces végétalisés et a priori c’est une opération qui fonctionne bien.
Communication et consultation à Paris :
Yann Le Goff (Ville de Paris) revient sur la consultation du public organisée en début d’année sur les états généraux du stationnement : "10m² en bas de chez vous, qu’en feriez-vous ?"
Il en ressort une forte demande des riverains pour végétaliser (arbres, potagers …) ainsi que de nombreuses demandes liées au stationnement des vélos : bandes d’arceaux, vélo-box.
La demande de mobilier pour une vie urbaine plus agréable et des espaces de loisirs revient également : bancs, banquettes, espaces de jeux... Certaines propositions se heurtent toutefois aux contraintes techniques, et notamment celles créant des masques à la visibilité. Un plan d’action sera présenté d’ici l’été.
Les aménagements sont pour le moment effectués au fur et à mesure de la réalisation des travaux de voirie. Les emplacements libérés sont généralement traités en zones pour le stationnement des trottinettes électriques ou pour le stationnement des vélos (arceaux). Le travail d’inventaire et de programmation des aménagements à réaliser est en cours.
Cette neutralisation aura un impact important dans les villes très denses.
Du diagnostic aux enjeux – Inventaire et identification
Ellie Dhalluin (Chargée de mission politique du stationnement, Métropole Européenne de Lille) a exposé un travail d’inventaire sur le stationnement : Quelle offre sur voirie et hors voirie ? Comment se compose-t-il ?
Ce travail d’inventaire vise à mieux connaître le nombre de places à différentes échelles (par rue ou par quartier), leur type (PMR, livraison, taxi …). 4500 km de voiries et 248000 places ont ainsi été recensées par un prestataire extérieur, grâce à un travail typo-géographique se basant sur une vue aérienne de 2016, et dont la mise à jour pose question aujourd’hui.
La base de données créée permet également une connaissance plus fine des rues : nombre de passages piétons, nombre d’entrées charretières, pourcentage de places PMR … et permet l’identification des 4500 places à supprimer de façon obligatoire aux abords des passages piétons (soit 2 % des places à l’échelle de la Métropole ?).
Si l’on suit l’ensemble des recommandations du Cerema, 7500 places de stationnement doivent être supprimées. La stratégie est en cours de réflexion est devra être menée en lien avec les communes.
Il faut noter que ce travail demande des ressources humaines et matérielles à intégrer à la démarche et qu’un processus de mise à jour doit être mis en place.
Conclusion
Peggy Mertiny (Cerema) conclut ce webinaire en insistant sur le besoin d’instaurer une place pour le dialogue entre les exigences ? technique, les stratégies des collectivités, l’échange et le partage des expériences… Les intervenants et les échanges avec les participants ont bien montré que le débat va au-delà de la seule question du stationnement à l’amont des passages piétons : il peut aussi y être questions d'adapter le plan de stationnement et la réglementation locale du stationnement, revoir les modes de gouvernance, réfléchir sur les enjeux liés à la mobilité ou à l’ environnement.
Rendez-vous le 24 juin 2021 pour un autre webinaire à l’occasion de la publication du guide sur le stationnement sur l’espace public.
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema