Cet article fait partie du dossier : Vers des villes et des territoires 100% marchables, 100% cyclables
Voir les 6 actualités liées à ce dossierPour anticiper la phase de déconfinement, quelques pistes sont explorées afin de concilier cheminement, attente des piétons, et distanciation physique.
Les mesures de confinement ont entraîné une diminution importante des déplacements , en particulier motorisés et en transport public. En parallèle, la part des déplacements courts a progressé, ce qui réinterroge la "marchabilité" de nos espaces publics, trottoirs, cheminements piétons...
Lors de la phase de déconfinement, les contraintes de distanciation physique et l'augmentation progressive des flux vont générer des adaptations des usages, parfois des réaménagements et de nouveaux questionnements :
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Est-ce que les règles existantes (accessibilité notamment) sont suffisantes pour assurer des cheminements "sûrs" au sens de ses nouvelles exigences sanitaires ?
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Comment créer plus de lieux d’attentes pour les piétons lors de la réouverture des écoles, équipements, commerces tout en limitant la promiscuité entre piétons ?
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Comment permettre aux piétons de se déplacer plus librement sans créer de situation accidentogène ?
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Comment adapter les aménagements rapidement tout en limitant les interventions des agents des collectivités ?
Faute de pouvoir organiser des files d’attente à l’intérieur des commerces, pharmacies, etc., l’espace public a été temporairement utilisé pour cet usage. Les trottoirs sont à la fois utilisés pour de l'attente et du cheminement.
Cela a mis en avant les avantages des aménagements larges, confortables… et au contraire les difficultés que posaient les trottoirs étroits, les cheminements qui n’avaient pas été mis en accessibilité…
Des pistes sont actuellement testées dans plusieurs pays pour donner plus de place aux piétons et aux cyclistes pendant le confinement [voir cet article sur les aménagements cyclables temporaires].
Or des outils juridiques et techniques existent déjà et peuvent être mis à profit pour concilier distanciation physique et augmentation du nombre de piétons durant la période transitoire du déconfinement.
La circulation des piétons: les recommandations
La réglementation accessibilité prévoit une largeur minimale de cheminements sans obstacle de 1,40 m. Le Cerema recommande une largeur de 2,50 m pour les trottoirs.
Cette recommandation concerne le trottoir banal sur lequel on chemine et où il n’est pas prévu de stockage de piétons. Le contexte actuel montre bien l’importance de ces exigences et que les règles de distanciation physique peuvent difficilement être respectées en-dessous de cette largeur de 2,50 m recommandée.
Dans des rues ou les flux piétons sont très importants (magistrales piétonnes, grands boulevards, rues touristiques …) ou bien à proximité d’équipements, il est préférable de dimensionner plus généreusement les espaces dédiés aux piétons.
Augmenter temporairement l’espace pour les cheminements piétons
Augmenter l'espace dédié aux piétons seuls peut se faire en élargissant la partie trottoir : les bandes de stationnement ou des voies de circulation peuvent être temporairement affectées (au besoin en révisant le plan de circulation). Cela permet de créer des cheminements piétons supplémentaires sur de grands linéaires.
Sur des axes larges (boulevards, voiries principales), un cheminement dissocié ou une surlargeur pour les piétons peut être créé sur la chaussée à l'occasion de l'aménagement d'une piste cyclable temporaire.
Sur des axes larges également, réaffecter deux voies de circulation permet de créer à la fois un cheminement piéton de 2,5m et une piste cyclable bi-directionnelle.
Déplacer temporairement des « pistes cyclables à hauteur de trottoir » sur la chaussée est une autre mesure améliorant à la fois le confort des cyclistes et le cheminement des piétons. Ce transfert permet de libérer le trottoir pour les piétons uniquement, et éventuellement d'ajouter des espaces d'attentes.
Dans une rue où la réouverture de commerces génère des files d'attentes importantes sur un trottoir étroit, il est pertinent d'étudier la suppression d'une bande de stationnement pour recréer un cheminement confortable pour les piétons.
Créer ou étendre des zones de rencontres permettrait de mieux utiliser l’espace public. Lors de la phase de déconfinement, le trafic motorisé encore faible dans certaines rues permettrait de redistribuer utilement l’espace public et de donner plus de facilités aux piétons. C’est l’occasion de créer des zones de rencontres temporaires, comme à Vienne (Autriche), ou bien d’élargir le périmètre de certaines zones existantes. Cela permet aux piétons de se déplacer en toute légitimité sur la chaussée, tout en éveillant l’attention des automobilistes.
Une communication sur les droits des piétons dans les zones de rencontres et zones 30 peut aussi être bénéfique. C’est relativement facile à mettre en place, et ne nécessite aucune intervention d’agents sur le terrain.
Des aménagements évolutifs peuvent être envisagés, avec des réglementations pouvant varier dans le temps. Le code général des collectivités territoriales précise que le maire peut restreindre la circulation selon les périodes, comme l’indique l’article L2213-2 : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures ou de manière permanente, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; […] ».
Cette disposition créant une aire piétonne temporaire est parfois utilisée devant des écoles aux heures de pointes, et pourrait être développée au moment de la réouverture des établissements scolaires : en phase de déconfinement, des files de piétons assez longues risquent de se former. Cela peut aussi concerner des rues où plusieurs commerces sont ouverts, ou bien devant des pôles générateurs de déplacements (services publics, banques alimentaires ...) et devant lesquels se forment ponctuellement de longues files d’attentes.
Réorganiser l’espace public pour concilier lieux d’attentes et cheminement des piétons
Il serait profitable d’accélérer la mise en place de la neutralisation des places de stationnement en amont du passage piéton pour donner plus d'espace de stockage aux piétons.
La suppression temporaire de places de stationnement devant certains commerces permettrait aussi de faciliter le stockage des personnes en attente et la compatibilité avec la circulation des piétons.
Un élargissement temporaire et ponctuel de trottoirs peut être envisagé en créant des sur-largeurs. Du mobilier existant pourrait être utilisé : platelages bois utilisés lors des terrasses d’été, jalonnement avec des balises … Des espaces avec assises pourraient aussi être ajoutés dans ces espaces d’attentes, pour des personnes ayant des difficultés à rester longtemps debout… Attention tout de même à ne pas créer de ressauts de plus de 2cm ni d'obstacles, et à utiliser du mobilier urbain repérable et détectable : il ne s’agit pas de créer de difficultés supplémentaires en termes d'accessibilité … Plusieurs outils utilisés lors des chantiers (et cités dans ce guide) peuvent être mis en place de la même manière : aménagement de rampes, contournements à niveau ...
Assurer la qualité d’usage des espaces et un mobilier minimal pour permettre à tous de se déplacer
L’entretien des espaces reste un enjeu à ne pas négliger pour conserver des cheminements praticables : nettoyage, entretien des plantations qui doit figurer dans une des activités à maintenir dans le cadre des plan de continuité d'activité (PCA) .
Il s'agit également de conserver du mobilier d’assise, avec un nettoyage régulier. Même si les règles de distanciation nous invitent à limiter les points de contact entre personnes mais aussi entre personnes et éléments de mobilier, certains équipements sont nécessaires pour permettre à certaines personnes de se déplacer (notamment les personnes âgées, ou les personnes déficientes motrices).
La présence de points d’eaux et de cheminements à l’ombre est également un élément de confort non négligeable pour le piéton, en particulier en période estivale
Vers davantage de repères dans l’espace public ? Certaines associations (notamment les associations de personnes déficientes visuelles) ont remonté leurs difficultés pour s’orienter et se repérer dans ce nouveau contexte, plus silencieux (moins de véhicules motorisés). D'où l'importance d’un « urbanisme sensoriel », avec des repères sonores, visuels (contrastes), et pourquoi pas olfactifs...
C'est aussi l’occasion de réfléchir à la place du piéton en ville après le confinement.
NB: Bien qu’en évolution, nous avons pris le parti de partager avec vous les éléments dont nous disposions déjà. Cet article est paru le 21 avril 2020 et a été modifié le 3 mai 2020 (ajout de schémas) et le 5 mai 2020 (téléchargement d'un document présentant 15 propositions d'aménagement).
Dans le dossier Vers des villes et des territoires 100% marchables, 100% cyclables