Webinaire de lancement de l’Observatoire National des Routes sinistrées par la Sécheresse (ONRS)

9 décembre 2025
Route fissurée (impact de la sécheresse)
Cerema
Le 13 novembre 2025 a eu lieu le lancement de l’Observatoire National des Routes impactées par la Sécheresse (ONRS) sous la forme d’un webinaire organisé par le Cerema et l’IDRRIM. L’ONRS a pour objectif d’apporter une réponse à l’échelle nationale aux besoins des collectivités et des gestionnaires d’infrastructures. Il doit permettre de disposer de données chiffrées et d’un état des lieux national sur l’ampleur du RGA et ses effets sur les infrastructures, notamment grâce à des missions de diagnostic sur le terrain. L’objectif est de mieux orienter les actions de prévention, les opérations d’entretien et les travaux de confortement menés par les gestionnaires.

Cet événement a réuni une centaine de participants aux profils variés (collectivités, établissements publics, entreprises et bureaux d’études du BTP, universitaires…). 

Le webinaire a été introduit par Didier Jan, responsable du secteur d’activité "Conception et gestion du patrimoine des chaussées" au Cerema. Le retrait-gonflement des argiles (RGA) et ses impacts sur nos infrastructures, en particulier sur le réseau routier, constituent un enjeu concret et croissant.

Le RGA n’est pas un phénomène nouveau, mais son intensité et sa fréquence augmentent avec le changement climatique. Les conséquences sont lourdes : fissurations, tassements différentiels, ruptures de structure et coûts de réparation qui peuvent rapidement devenir considérables. Ces désordres menacent non seulement le patrimoine routier des collectivités et de l’État, mais aussi la sécurité des usagers. Nous constatons d’ailleurs que certaines solutions d’entretien classiques peuvent se révéler insuffisantes, voire contre-productives lorsqu’elles alourdissent des chaussées posées sur des sols en mouvement.

C’est pour répondre à cette réalité que nous lançons aujourd’hui l’Observatoire National des Routes Sinistrées par la Sécheresse — l’ONRS. Son objectif est clair : fournir une vision nationale, appuyée par des données chiffrées et un état des lieux consolidé, afin de mieux orienter les actions des collectivités et des gestionnaires d’infrastructures. Grâce à des missions de diagnostic sur le terrain, à la capitalisation des retours d’expérience et à des mesures partagées, l’ONRS permettra de mieux caractériser l’ampleur du phénomène et ses conséquences.

Concrètement, l’ONRS vise à :

  • Connaître les linéaires affectés et l’intensité des sinistres
  • Orienter les priorités d’intervention et les politiques d’entretien ;
  • Éclairer les choix techniques pour les travaux de confortement ;
  • Partager les bonnes pratiques et les expérimentations entre territoires.

Nous nous appuierons sur les travaux déjà menés au niveau régional — notamment en Centre-Val de Loire et par certains départements qui expérimentent des solutions à coûts maîtrisés — pour construire une démarche nationale fondée sur la compréhension, le suivi et l’adaptation des réponses techniques.

L’ONRS ne se substitue pas aux collectivités : il les accompagne en apportant des repères techniques et des données robustes pour mieux prioriser les interventions. Il s’agit d’une démarche collective, fondée sur l’échange et l’expérimentation, visant à passer d’actions locales hétérogènes à une stratégie cohérente à l’échelle nationale.

Présentation de l’observatoire

Lamine Ighil Ameur, Chercheur en Mécanique des Sols et RGA au Cerema a présenté le contexte lié à la création d’un Observatoire national des routes sinistrées par la sécheresse.

Le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) s’intensifie avec le changement climatique. Les données disponibles proviennent surtout du secteur assurantiel pour les bâtiments, car il n’existe pas encore de statistiques nationales pour les infrastructures, notamment les routes. Les projections à l’horizon 2050 montrent une augmentation de l’exposition du territoire métropolitain et des coûts associés, déjà en forte hausse sur la dernière décennie. La sécheresse de 2022 a d’ailleurs représenté plus de 3,5 milliards d’euros d’indemnisation au titre du régime CatNat.

Le phénomène touche désormais une grande variété d’ouvrages :

  • routes communales, départementales, nationales et parfois autoroutes,
  • pistes cyclables,
  • réseaux enterrés,
  • voies ferrées,
  • ouvrages en terre tels que digues et barrages.

L’Observatoire régional des routes sinistrées par la sécheresse, créé en 2017, a permis d’expérimenter et d’instrumenter de nombreuses solutions (géogrilles, géomembranes, injections, écrans anti-racines, stabilisations des sols…) représentant plus de 900 000 € de travaux, avec un suivi sur au moins 5 ans pour en évaluer l’efficacité et la pérennité. L’initiative s’est depuis élargie à l’échelle nationale, avec des expérimentations menées dans plusieurs départements. Une première journée technique nationale a eu lieu en 2023, préfigurant la création de cet Observatoire national des routes sinistrées par la sécheresse.

 

Correspondants Cerema et partenariats en cours ou passés avec les collectivités.

La présentation :

Le rôle de l'IDRRIM dans l'ONRS

Pierre Dumas, a présenté le rôle de l’IDRRIM dans le pilotage de l’Observatoire national des routes sinistrées par la sécheresse.

L’IDRRIM réunit l’ensemble des acteurs des infrastructures de mobilité (entreprises, maîtres d’ouvrage, ingénierie, réseaux scientifiques et techniques, associations partenaires) pour développer une doctrine commune, des solutions techniques et favoriser les échanges. Ses travaux s’organisent autour de quatre grands axes :

  1. La gestion du patrimoine des infrastructures
  2. L’adaptation des infrastructures aux transitions écologique, climatique, énergétique et numérique
  3. La qualité, les compétences, les qualifications
  4. La promotion de l’innovation, expérimenter, partager, capitaliser

Le sujet des routes affectées par la sécheresse s’inscrit directement dans les enjeux de gestion patrimoniale et d’adaptation des infrastructures.

L’IDRRIM s’appuie notamment sur l’Observatoire national de la route (ONR), un outil de collecte de données sur l’état des réseaux routiers et les financements alloués à leur entretien. Chaque année, l’IDRRIM publie un rapport faisant un état des lieux et permettant aux gestionnaires de comparer leurs pratiques. Cette année, l’Observatoire intègre pour la première fois des questions sur les impacts du changement climatique ainsi que les stratégies mises en œuvre par les gestionnaires pour y faire face.

Par ailleurs, un groupe de travail sur la résilience des infrastructures au sein de l’IDRRIM prépare un livrable portant sur les impacts du changement climatique et les réponses apportées par les gestionnaires (courant 2026).

Dans ce cadre, l’Observatoire national des routes sinistrées par la sécheresse vise à :

  • Collecter des données (impacts, solutions, expérimentations),
  • Faciliter les échanges entre gestionnaires,

La présentation :

La plateforme collaborative Expertises.territoires

Camille Bardoux a présenté l’outil Expertises.Territoires, mis à disposition par le Cerema. Expertises.Territoires est une plateforme numérique collaborative ouverte à tous : agents de l’État, collectivités, entreprises, associations ou simples citoyens. Son objectif est de faciliter les projets de transition écologique en offrant un espace commun où différents acteurs peuvent travailler ensemble, partager des documents et échanger plus facilement quand ils utilisent habituellement des outils différents. La plateforme propose également :

  • un espace d’entraide,
  • des visites guidées pour comprendre le fonctionnement,
  • un support d’assistance en cas de difficulté.

La procédure pour créer un compte nécessite plusieurs étapes :

  1. Remplir un formulaire d’inscription (mail).
  2. Valider son email via un lien reçu.
  3. Se connecter et remplir un second questionnaire (profil).
  4. Attendre la validation manuelle par un agent du Cerema (dans la journée).

L’équipe recommande d’utiliser une adresse professionnelle nominative. En cas d’utilisation d’une adresse de groupe ou d’une adresse informelle, une vérification manuelle sera demandée. L’inscription sera validée après confirmation. En cas de problème, un formulaire de contact est disponible.

 

Mathieu Préteseille a ensuite présenté la page dédiée à l’Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse au sein de la plateforme Expertises.Territoires. Cette page fonctionne comme un espace collaboratif où tous les membres peuvent contribuer.

Fil d’actualité

Sur la partie gauche, un fil d’actualité regroupe l’ensemble des publications récentes de la communauté.

Événements

Dans la colonne de droite, on retrouve la liste des événements (colloques, webinaires…). Tous les membres sont invités à ajouter des événements pertinents liés au RGA.

Questions / Réponses

Une section dédiée permet aux membres :

  • de poser leurs questions,
  • de répondre à celles des autres,
  • de compléter des réponses déjà apportées.

L’esprit est celui d’un usage collaboratif et participatif.

Guides et notes techniques

Espace regroupant la documentation officielle. Pour l’instant, seules les fiches « résilience » sont disponibles. Les membres peuvent ajouter d’autres documents techniques.

Documentations

Section réservée aux rapports d’étude, comptes-rendus, présentations à des webinaires, etc.

Boîte à outils

Pour l’instant, elle contient un questionnaire permettant de déclarer un chantier de remédiation RGA. Les chantiers déclarés apparaissent sur une carte interactive, où il est possible de :

  • consulter les informations chantier par chantier,
  • filtrer par catégories de solutions,
  • accéder aux contacts du gestionnaire si celui-ci accepte d’être joint,
  • voir ce qui a déjà été expérimenté ailleurs.

Des outils supplémentaires seront bientôt ajoutés :

  • un protocole type de suivi de section impactée par le RGA,
  • une méthodologie de conception et de dimensionnement pour les solutions de confortement
FAQ

Une foire aux questions aide les utilisateurs (ajout d’un chantier, partage d’un document, etc.). Elle sera enrichie progressivement.

La page de l’ONRS est conçue pour fonctionner comme un outil participatif et vivant. Sa qualité dépend de la contribution active de l’ensemble des membres (ajout d’événements, documents, retours d’expérience, chantiers, questions…). L’équipe IDRRIM–Cerema assurera une animation régulière, mais la participation collective est essentielle pour faire vivre la communauté.

Une communauté a été créée sur la plateforme Expertises.territoires

Pour vous tenir informé sur les travaux du groupe de travail et échanger sur ces sujets avec d'autres acteurs, rejoignez la communauté.

Il suffit de s'inscrire d'abord sur la plateforme, puis sur la communauté :

 

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Expertises.territoires

 

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Communauté ONRS

Retours d’expérience

Stabilisation des sols argileux par puits au lait de chaux

Outil développé par le département de la Haute Garonne pour le forage et l'injection de lait de chaux.

Le premier retour d’expérience a été présenté par Sandrine MARNAC (Département de la Haute Garonne), Pierre METAIS (Lhoist) et par Olivier MARTIN (Cerema).

La Haute-Garonne fait face à une forte sinistralité liée au retrait-gonflement des argiles, avec plus de 300 km de routes potentiellement concernées. Les réparations traditionnelles (grave-émulsion) sont coûteuses, peu durables et doivent être répétées régulièrement jusqu’à une fréquence annuelle. Pour trouver une solution plus pérenne, écologique et réalisable en régie, le département, le Cerema et l’entreprise Lhoist ont lancé un projet d’injection de lait de chaux dans les sols argileux. La technique, ancienne et peu documentée, vise à réduire la plasticité et le potentiel de gonflement des sols et à améliorer leurs performances mécaniques.

Faute d’outil disponible sur le marché, les agents départementaux ont fabriqué un premier dispositif artisanal permettant de forer et d’injecter la chaux gravitairement. Des expérimentations ont été menées dès 2021 sur les RD 8 et RD 9, avec différentes profondeurs, dosages et maillages. Les premiers tests ont montré la faisabilité opérationnelle, avec environ 100 puits réalisés par jour. En parallèle, des essais de laboratoire et des carottages ont confirmé l’efficacité du traitement : amélioration du CBR immergé, réduction quasi totale du gonflement et confirmation de la diffusion réelle de la chaux autour des puits (jusqu’à 25 cm).

En 2024, la chaussée traitée en 2022 (RD 9) a été réhabilitée par un rabotage des différentes couches de grave-émulsion existantes, une humidification et recomposition en GNT puis la réalisation d’un enduit bicouche. Aucun désordre n’a réapparu malgré une période de sécheresse à l’été 2025.

Fort de ces résultats, un nouvel outil plus robuste et capable d’injecter jusqu’à 2,5 m, y compris en puits inclinés, a été développé (Figure 2). De nouvelles campagnes d’essai sont engagées pour tester différents dosages et espacements. Des questions scientifiques restent ouvertes, notamment sur les conditions de la diffusion dans les sols argileux. Un projet de doctorat est envisagé pour approfondir le sujet, en particulier pour optimiser les paramètres d’injection du lait de chaux.

 

La présentation :

RGA - Détecter et améliorer le suivi des désordres affectant les chaussées dans le Département du Nord

Fissure longitudinale en rive sur le réseau du département du Nord / Cerema

La présentation a été menée conjointement par le département du Nord (Christophe DESCHUYTTER) et le Cerema Hauts-de-France (Isabelle LIENARD et Victor RESENTERRA). Le département gère 4 500 km de routes et observe depuis deux ans une évolution rapide des désordres liés au RGA, alors qu’auparavant ils progressaient lentement. Initialement peu impacté, le département a finalement constaté une forte aggravation, avec un linéaire touché multiplié par dix entre 2021 et 2025.

Un diagnostic interne a montré qu’environ 50 % du réseau se situe en zones d’aléa moyen ou fort. Dès 2020, le Cerema a été sollicité pour accompagner le département et formaliser un partenariat via un marché pluriannuel de R&D. L’objectif : acquérir une meilleure connaissance des désordres, suivre leur évolution sur 4 ans et proposer des solutions de maintenance adaptées.

Les agents de terrain ont identifié 34 sections problématiques. Deux méthodes d’auscultation ont été utilisées : l’Aigle 3D (mesure LCMS de la surface de la chaussée) et le système d’imagerie IRCAN. Des relevés biannuels ont été réalisés sur une période de 4 ans avant et après l’été.

A partir de ces relevés, trois indicateurs d’évolution ont été créés : 

  • fissuration longitudinale (Ifis),
  • fissuration longitudinale associée à un tassement différencié (Itas)
  • fissuration longitudinale proche de la végétation (Iveg). 

Ils permettent d’identifier les zones où la dégradation est la plus liée au phénomène RGA. Dix sites se sont révélés fortement évolutifs, et cinq ont été priorisés pour des préconisations de travaux.

La RD 956 est l’un des exemples marquants : simple fissuration en 2019, réparations en 2023, puis réapparition des désordres en 2025 avec affaissements de plusieurs centimètres. Après analyse, deux solutions étaient envisageables : l’imperméabilisation des accotements ou un renforcement structurel anti-remontée de fissures. Le département a retenu la seconde option et a mis en œuvre une grille métallique sous la chaussée pour limiter les effets du RGA et améliorer la durabilité de l’entretien.

 

Convention "Routes des marais" Synthèse de l’étude 2020-2025

La présentation par Xavier CHARRIER du Cerema porte sur plusieurs chantiers expérimentaux menés en Vendée dans le cadre de la convention "Routes des marais". Le contexte géologique du département est particulier : il est largement constitué de marais (marais breton au nord, marais poitevin au sud), avec des sols argileux très plastiques, très humides, fortement compressibles et sensibles au phénomène de retrait-gonflement (RGA). La présence de réseaux de fossés et de canaux, connectés aux marées, accentue le battement de nappe et donc les variations hydriques du sol.

Trois sites représentatifs ont été sélectionnés parmi une quarantaine pour tester trois catégories de solutions :

  1. Renforcement de la structure de chaussée par géogrilles alvéolaires (RD68).
  2. Renforcement des sols par injection de solution technique liquide (Remediaclay® et de lait de chaux) (RD746).
  3. Renforcement des sols par injection solide, Springsol® et SoilMixing (RD82).

 

Dispositif de fonçage des lances par vérinage pour l’injection de la solution.

 

Chaque site a été instrumenté par une série de clous d’arpentage pour suivre les mouvements différentiels sur plusieurs années par nivellement laser, complété par des capteurs d’humidité et un relevé visuel des dégradations.

Sur la RD68, après quatre ans, des fissures et nids de poule sont réapparues, notamment à l’interface géogrille–accotement, mais les déformations longitudinales ont été réduites (3,7 cm contre 5,85 cm en zone témoin). Le doublage des géogrilles n’a pas apporté de gain supplémentaire.

Sur la RD746, après 4 ans, aucune remontée de fissures n’est constatée sur la section Remediaclay®, par contre la section traitée au lait de chaux présente des fissures après un an et demi de manière identique à la section témoin. Les déformations longitudinales ont été réduites pour la section Remediaclay® (4,8 cm contre 8,60 cm en zone témoin) mais elles sont supérieures pour la zone traitée au lait de chaux (11,70 cm).

Sur la RD82, après 4 ans l’encapsulage de chaussée (SoilMixing), seules des fissures longitudinales en bordure de colonnes sont observées. Pour les inclusions rigides (injection solide et Springsol®), des points durs correspondants aux têtes de pieu sont constatés et des fissures longitudinales apparaissent entre ces têtes de pieu.

 

La présentation :

Le wébinaire s’est conclu sur une séquence d’échange entre les participants et les intervenants :