13 octobre 2025
Vallée de l'Ubaye
Adobestock
Chaque année, le séminaire national Montagne permet d’échanger entre techniciens des collectivités et services de l’Etat sur des sujets clés pour les transitions des territoires de montagne et de partager des retours d’expérience. Il est organisé par le Cerema en partenariat avec la DGALN (Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature) et le Commissariat du Massif des Alpes-ANCT.
En 2025, le séminaire s’est tenu les 10 et 11 septembre à Barcelonnette dans le massif des Alpes en partenariat avec le PARN (Pôle alpin des risques naturels) et en collaboration avec la CC Vallée de l’Ubaye-Serre Ponçon et la DDT des Alpes de Haute Provence.
Les deux journées étaient articulées autour des questions : Quelle habitabilité en territoire de montagne exposé à des risques naturels accentués par le changement climatique ? Quelles solutions d’adaptation, entre la reconstruction à l’identique et le renoncement ?

Les récentes catastrophes naturelles, comme celle subie dans les Alpes-Maritimes après le passage de la tempête Alex ou celle du village de la Bérarde en Isère ont mis un coup de projecteur sur la vulnérabilité des territoires de montagne face aux conséquences du changement climatique sur les risques naturels. Les dégâts causés par les risques en cascade ou composés, ainsi que les coûts de prévention ou de réparation induits questionnent "l’habitabilité à tout prix" en montagne.

Organisé en partenariat avec le PARN (Pôle alpin des risques naturels) et en collaboration avec la CC Vallée de l’Ubaye-Serre Ponçon et la DDT des Alpes de Haute-Provence dans la vallée de l'Ubaye, territoire particulièrement concerné par les risques naturels avec des communes qui cumulent jusqu’à 9 aléas, le séminaire a donné l’occasion aux participants de partager des constats sur les limites de la gestion actuelle des risques face au changement climatique, ainsi que de nombreux questionnements : 

 

 

Comment anticiper des catastrophes naturelles dans le contexte d’incertitude ? 
Pourquoi venir habiter ici et pourquoi y rester malgré l’exposition ? 
Quelles sont les voies pour parvenir à un risque acceptable ? 
Comment se répartir la charge de la gestion des risques et faire accepter les prises de décision ? 
Le renoncement peut-il être envisagé et si oui, dans quelles conditions ?

 

Les deux journées ont permis d’explorer un panel de leviers mobilisables pour apporter des pistes de réponse, résumés par des mots-clés tels que gouvernance et solidarité entre acteurs, négociation et chemin, anticipation et médiation, connaissance et communication, actions de prévention et de gestion de crise, vision du territoire adapté au +4°C ... Un livrable présentera de manière plus détaillée les travaux de ces deux journées.

Voir l’article du 11/09/2025 paru dans la Revue Diagonal : 

Comment les effets du changement climatique sur les risques naturels questionnent-ils aujourd’hui l’habitabilité en territoire de montagne ?

Après l’accueil par Yvan Bouguyon, Maire de Barcelonnette et l’ouverture par Pierre-Henri Vray, Sous-préfet de Barcelonnette, cette première question a l’objet d’une table ronde introductive avec :

  • Elisabeth Jacques, Présidente de la CC Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon
  • Didier le Gall, Directeur Général Adjoint au Conseil Départemental des Alpes de Haute-Provence
  • Florence Marchon, Directrice du Pôle Alpin des Risques naturels
  • Aurélien Chazel, Directeur adjoint Cerema Méditerranée
  • Philippe Matheron, Commissaire du massif des Alpes 

Pour Elizabeth Jacques, dans un territoire comme celui de l’Ubaye qui cumule les aléas, ce n’est pas une action qui permet de changer la vie du quotidien, mais une succession d’actions. Parmi celles-ci, la médiation de proximité, "les yeux dans les yeux" est une action essentielle en particulier auprès de la jeunesse. 

La connaissance également : "plus on connaît son territoire, plus on est capable d'être alerté au plus proche et au plus rapide". La mise en place du SDAL, Système d'Avertissement Local aux crues en fait partie. Ce dispositif en cours de déploiement dans le bassin versant de l'Ubaye repose sur l’équipement du territoire en capteurs et sur un protocole d’action selon le niveau d’alerte. Tout cela nécessite des moyens humains et des compétences qui doivent être mutualisés. 

A l’éventualité du renoncement, pour Elizabeth Jacques, celui-ci peut être compris à la condition qu’il soit expliqué et qu’il soit négocié ; la perspective en est difficilement recevable tant qu’il existe un chemin permettant de diminuer les enjeux pour arriver à un risque acceptable. Elizabeth Jacques se dit résolument optimiste pour l’avenir : "les années qui vont venir sont des années d’amélioration de l’habitabilité en montagne ; collégialement on va trouver des solutions".

Didier Le Gall évoque l’incertitude générale qui plane sur un certain nombre de thématiques : y aura-t-il assez d’eau ou trop d’eau ? Assez de neige ou trop de neige ? Y aura-t-il un accès en temps et en heure aux stations, à la vallée ? "Toutes ces questions-là nous amènent à nous poser la question de l'adaptabilité et de l'agilité de tous nos systèmes ainsi que leurs limites." Parmi celles-ci, Didier Le Gall cite les limites de la technique, notamment en cas de délai contraint pour rétablir un accès, les limites financières (une seule opération de sécurisation peut correspondre à 3 années d‘investissement du Département), les limites dans la capacité à agir, entre les différents niveaux de collectivités, compte tenu de leurs moyens et champ de compétences. "Tout cela nous oblige à repenser nos façons de travailler pour être plus souple, plus agile : l’innovation est sans doute un levier qui nous permettra de mieux y répondre."

Florence Marchon rappelle ce qu’est le PARN, une association créée il y a 40 ans regroupant 9 centres de recherche et universités ayant une activité d'étude et de recherche sur les risques naturels. Le PARN accompagne l'émergence, l'incubation, l'expérimentation dans les territoires. Il a aidé à l’émergence des GIRN (Gestion intégrée des risques naturels) et anime ce dispositif depuis 2009. Celui-ci désigne une démarche territoriale pluriannuelle, multirisques, de sensibilisation et d'appropriation des parties prenantes, ce qui permet la montée en compétence de l'ensemble du territoire pour accompagner la décision publique. Le dispositif des StePRIM ("Stratégie territoriale pour la prévention des risques en montagne") accompagné par les services de l’Etat s’inscrit dans la même logique en accompagnant à la fois l’investissement et la décision publique. Pour Florence Marchon, un mot-clé à retenir, l’incertitude : "partager au plus grand nombre ce qu’on sait, mais aussi ce que l’on ne sait pas" en intégrant l’échelle de la temporalité de la décision publique qui est en accélération. Elle souligne également l’intérêt du travail réalisé dans le cadre de l’élaboration du Plan d’adaptation du massif des Alpes au changement climatique : les risques y sont abordés de façon transversale et systémique, et non en silo.

Aurélien Chazel évoque le travail du Cerema avec les territoires. Ses expertises se positionnent à la fois avant et après la crise. Avant la crise, ses missions portent sur l’amélioration de la connaissance de certains aléas (mouvements de terrain, inondations, séismes) et le croisement de ces aléas avec les enjeux d’aménagement et de développement pour identifier la vulnérabilité du territoire, sur les politiques de prévention et la culture du risque, sur l’appui à l’élaboration des PPR (Plans de prévention des risques), des PICS (Plan intercommunal de sauvegarde) et des PCS (Plan communal de sauvegarde), sur des exercices de simulation de crise … Après la crise, elles portent à la fois sur le temps immédiat avec la mobilisation en urgence pour évaluer les dégâts, et sur le temps long, sur la phase de reconstruction avec une approche transformative pour essayer de rendre le territoire plus résilient, en s’appuyant par exemple sur la "boussole de la résilience" qui donne un cadre de réflexion et d’action.

Philippe Matheron évoque le besoin de travailler à l’échelle euro-alpine et internationale, car les risques concernent toutes les montagnes. "Il s’agit de requestionner notre culture du risque, notre capacité à accepter le risque, nos outils, par rapport aux aléas et aux évolutions sociétales, pour faire des choix, pour garder cet équilibre dynamique et toujours instable, entre protéger et développer pour maintenir l’activité économique et la vie des habitants". Nous avons besoin du jeu collectif pour nous emparer de ces sujets, avec les scientifiques, pouvoirs publics, élus locaux, population et socioprofessionnels. "Et on a cette capacité de travailler ensemble avec des instances telles que le groupe Risques du comité du massif des Alpes, le groupe Risques à l'échelle euro-alpine de de la SUERA. Un acteur tout seul, collectivité ou Etat, ne peut pas porter responsabilité et la charge, par exemple de la remise en état des routes ou de l’entretien des berges. Il faut que les citoyens, les pratiquants de la montagne, les opérateurs économiques privés aient conscience qu’ils font partie eux aussi du cercle des acteurs concernés". A partir de l’examen collectif du panel des actions possibles, vient ensuite le temps de la décision, prise dans l’intérêt général et pouvant aller jusqu’au renoncement.

 

L’éclairage de Bernard Guézo, Expert vulnérabilité et résilience des territoires, grand témoin de l’évènement

Bernard Guézo est revenu sur le constat : les territoires de montagne, en tant qu’espaces habités, sont de plus en plus menacés par l’évolution des aléas naturels qui deviennent imprévisibles, intenses et dispersés, remettant en cause leur habitabilité antérieure. Cette situation est aggravée par une urbanisation planétaire déstabilisatrice et des limites techniques, financières et humaines dans la gestion des risques. 

Pour le grand témoin du séminaire, ce sont des approches intégrées qui peuvent permettent de répondre à ces problématiques. Celles-ci combinent non seulement des réponses fonctionnelles (Augmentation de la performance de la gestion des risques et des crises) et sociétales (Politiques et mesures d’atténuation pour imiter les changements globaux et leurs effets), mais également des réponses organiques, qui visent à transformer les territoires pour les inscrire dans une trajectoire durable et résiliente. Pour y parvenir, Bernard Guézo cite plusieurs moyens à convoquer ensemble : trouver les « bons mots » pour partager collectivement des évolutions en cours ; mobiliser des ressources, vécus et savoir-faire élargis et partagés avec les expertises ; fabriquer un imaginaire collectif pour écrire des scenarii de transformation.

Bernard Guézo a prolongé la réflexion le lendemain en montrant les limites d’une résilience que l’on peut qualifier de "statique", compte tenu des points de bascule et fragilités actuels auxquels les acteurs sont confrontés, par exemple l’accroissement des coûts de viabilité des territoires. Il invite à se préparer à introduire une part de résilience "dynamique".

La présentation :

Interview : 2 questions à Bernard Guézo

Comment les effets du changement climatique sur les risques naturels questionnent-ils aujourd’hui l’habitabilité en territoire de montagne ?

Ces dernières années, un questionnement a effectivement surgi sur l’habitabilité de la montagne c’est-à-dire les possibilités qu’elle offre d’y vivre en sécurité en tenant compte des aléas naturels. En effet, ces aléas évoluent dans le sens d’une plus grande imprévisibilité, d’une certaine désaisonnalisation, d’une dispersion et d’une intensification. Constatées tant par les scientifiques que par les gestionnaires, ces évolutions mettent en jeu les stratégies et les techniques habituelles de de protection des populations, des habitats et des activités contre les risque naturels majeurs. S’il n’est pas formellement établi que les catastrophes naturelles sont plus nombreuses aujourd’hui qu'hier, le changement climatique imprime fréquemment sa marque sur leur manifestation.

Maison endommagée en bord de cours d'eau à Breil-sur-Roya lors de la tempête Alex / Cerema

Différents exemples peuvent être cités d’événements extrêmes ayant mis en jeu récemment la sécurité des personnes et pouvant être considérés comme hors norme. Dans les Alpes françaises, il en est ainsi de la dévastation par la tempête Alex des vallées de La Roya et de la Vésubie le 2 octobre 2020 et encore de celle du hameau de la Bérarde, enseveli sous 300 000 m³ de laves torrentielles dans la nuit du 20 au 21 juin 2024.

En montagne, si les dispositifs techniques de protection se sont généralisés lors des dernières décennies, pour éviter du plus possible les chutes de blocs, la fonte du permafrost fragilise maintenant en altitude les reliefs. Le risque glaciaire prend de l’importance. Les alternances de sécheresses et de pluies intenses fragilisent la moyenne montagne. Les protections mises en place peuvent ne pas suffire ou de nouveaux fronts d’instabilité peuvent se créer générant de nouveaux dangers qui posent la question de la façon de les traiter. Les aléas naturels peuvent menacer des lieux habités ou leur accès qui ne semblaient pas l’être préalablement.

Les dispositifs existants font l’objet d’amélioration, d’adaptation mais ces efforts constants pour augmenter leur efficacité ne suffisent pas à répondre à une complexification des aléas naturels qui s’affirme année après année.

Si l’habitabilité de la montagne se détériore progressivement, des points de rupture peuvent se multiplier : absence de réponses techniques satisfaisantes à des situations problématiques, inacceptabilité sociale ou économique de situations subies, capacités financières de remédiation ou de prévention (collectivités publiques, assurances …) mises à mal.

Pouvez vous nous expliquer l'intérêt du concept de résilience dynamique ? Est-ce que des territoires l'ont mis en œuvre ?

Les dispositions le plus couramment prises le sont pour maintenir des conditions optimales d’habitabilité de la montagne. Elles consistent soit à renforcer la robustesse des infrastructures, par exemple en redimensionnant les dispositifs de protection existants ou en en ajoutant de nouveaux, soit à restaurer une situation antérieure à un événement dommageable, par exemple en multipliant des opérations d’entretien ou de maintenance. Cette résilience, que l’on peut qualifier de technique, vise à souvent à maintenir ou retrouver une situation pré-existante sans envisager de changer les pratiques. D’une certaine façon c’est une approche statique.

La résilience dynamique vise à transformer le territoire pour réduire ses vulnérabilités. Elle consiste à reconsidérer la relation à la nature pour vivre avec elle et non contre elle. Cette façon de voir traduit beaucoup un changement culturel qui porte en lui un certain renoncement par rapport soit à des situations existantes, soit à des projets futurs. La notion de résilience dynamique peut par conséquent comporter une dimension de deuil par lequel il faut passer avant d’ouvrir vers de nouveaux possibles dont on découvrira progressivement l’intérêt.

Simulation des débordements de mer au niveau du boulevard / SMBSGLP

Ce changement culturel est engagé dans les territoires littoraux. Par exemple, en Baie de Somme, la ville de Cayeux-sur-Mer, bâtie en front de mer, a pris conscience des limites de la protection apportée par son cordon de galets, pourtant l’un des plus importants d’Europe. De plus en plus exposée à des surverses marines lors des tempêtes, la ville aménage son boulevard maritime avec le concours du Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Litoral Picard (SMBSGLP). Le projet combine des dispositions de protection contre les intrusions marines (résilience statique) et des dispositions visant à accepter celles-ci de façon maîtrisée (résilience dynamique). Des emprises terrestres ont ainsi été mobilisées pour drainer, infiltrer l’eau avant de rendre ensuite les volumes à la mer. Impliquant de changer de regard sur la relation à la mer, ce projet a été mené en concertation étroite avec les habitants.

A Caen, la communauté urbaine a renoncé dans les derniers mois à la réalisation d’un important projet d’écoquartier au vu des projections du GIEC Normandie. Ce projet se situait sur une presqu’île de 30 hectares, entre l’Orne et un canal. Il mobilisait des friches industrialo-portuaires. La décision prise alors que le projet était autorisé traduit un véritable changement de paradigme dans la façon de concevoir l’avenir du territoire. Ce changement culturel a rendu possible le renoncement volontaire à un projet important, pourtant très avancé.

Visites de terrain

Comme chaque année, des visites de terrain ont permis de se rendre compte de la réalité concrète de la CC Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) et d’aller à la rencontre d’acteurs locaux. Elles ont été organisées grâce à l’appui des services Restauration des Terrains de Montagne (RTM) de l’ONF et de la DDT04, de la CC Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon, des communes de Jausiers et La Condamine-Chatelard.

  • Sites du Torrent des Combettes et Tekniparké dans la commune de Jausiers, avec Jacques Fortoul, Maire de JausiersMichaël Arnaud, Directeur des projets de la communeReprésentant de la CCVUSP, Cécile Guitet, Directrice de l’agence ONF-RTM-Alpes du Sud et Yannick Clerc-Renaud, Chef du pôle Risques, Adjoint au Chef du Service Environnement-Risques, DDT 04
  • Site du ruisseau du Parpaillon dans la commune de La Condamine-Châtelard avec Julien Garino, Adjoint au Maire, Frédéric Sube, Directeur du service environnement de la CCVUSPHugo CollombResponsable de secteur Haute-Ubaye, ONR-RTM et Guillaume Steers, Chef du service Environnement-Risques, DDT 04
  • Site du glissement de terrain de la Valette avec Ruben Cool, Responsable de secteur Ubaye-Blanche, ONF-RTM, Représentant de la CCVUSP et Emma Envain, Chargée de mission Risques montagne, Adjointe au chef du Pôle risques, DDT04

La séquence de travail qui a suivi a porté sur l’analyse des difficultés, fragilités, vulnérabilités rencontrées sur le territoire, ainsi que sur les réponses ou types de leviers d’actions mobilisés, en termes d’habitabilité face aux risques naturels dans le contexte du changement climatique. Ces travaux ont été approfondis le lendemain à la lumière des présentations des différents intervenants. Ils seront repris dans le livrable à paraître.

  • Quelles réponses explorer, depuis la reconstruction à l’identique jusqu’au renoncement ?

    Intervention de Laurent Lambert, CD Isère/ Cerema

    Après la présentation de la Maison de la météo et du climat des Alpes du Sud par Aurélie Stoerkel, chargée d'études au pôle "Mesure", AtmoSudet la remise en perspective de la journée de la veille par Bernard Guézo, grand témoin du séminaire, Laurent Lambert, DGA, du Conseil Départemental de l’Isère a apporté un témoignage sur la réflexion initiée par un Département sur l’habitabilité en montagne face aux risques naturels.

    Laurent Lambert est d’abord revenu sur le constat de l’intensification des risques naturels liés au changement climatique en particulier en montagne, qui interroge sur l’adaptabilité des territoires, voire l’habitabilité de certains secteurs. La gestion des risques induit un coût, que ce soit l’exercice de la compétence GEMAPI ou l’intervention sur les routes départementales en montagne. Dans un contexte de contraintes budgétaires, il ressort que certains investissements devront être jaugés à l’aune de leur exposition future à de nouveaux phénomènes ; il ne sera plus possible de répondre en reconstruisant "à l’identique" pour faire face aux conséquences de risques naturels qui vont se multiplier.

    Le Département a lancé une étude exploratoire avec le Cerema sur l’habitat isolé et dispersé, desservi par un seul accès : cette étude permet de prendre conscience collectivement de l’importance de ce sujet, de sa complexité et de partager les problématiques qu’il soulève : l’accompagnement des territoires dans l’appropriation des risques et de leur vulnérabilité, l’adaptation des politiques départementales, l’acceptabilité du risque et le niveau de services acceptable, le besoin de doctrine et de connaissance pour fiabiliser l’action publique...

    La présentation :

    Les Solutions fondées sur la nature comme projet d’actions en territoire de montagne exposés aux risques naturels

    Freddy Rey, Directeur de recherche (HDR) en écologie ingénieriale et ingénierie écologique à l’INRAE Grenoble, auteur de l’ouvrage "Des solutions fondées sur la nature, Une réponse aux défis environnementaux et sociétaux" a présenté l’intérêt des Solutions fondées sur la nature (SFN) pour la prévention des risques naturels, avec un équilibre à définir au cas par cas entre génie végétal et génie civil.

    Ce concept créé par l’UICN se décline en trois types d’actions : 

    • la préservation d’écosystèmes fonctionnels et en bon état écologique,
    • la restauration d’écosystèmes dégradés ou la création d’écosystèmes,
    • la gestion d’écosystèmes pour une utilisation durable par les activités humaines. 

    Il induit plusieurs principes, en particulier celui de co-bénéfices avec "comme condition sine qua non de procurer un gain net pour la biodiversité, en même temps qu’elle répond à un autre grand défi de société". Pour une mise en œuvre concrète, Freddy Rey a introduit la notion d’arbre de décision avec d’une part, des questions stratégiques à se poser pour décider de recourir aux SFN (Connaissance, aides financières ...), d’autre part des questions techniques pour guider le choix des actions (Connaissance des actions, coût, efficacité, multibénéfices, échelles ...).

    Résilience des vallées des Alpes-Maritimes après la tempête ALEX, retour d’expérience 5 ans après la catastrophe

    Pont endommagé par la crue lors de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes / Cerema

    Anne Chanal, Cheffe du groupe Risques et territoires au Cerema Méditerranée a présenté le retour d’expérience du relèvement post Alex, suite à la tempête qui a impacté lourdement les vallées de la Roya, Tinée et Vésubie en octobre 2020.

    Cette phase de relèvement désigne l’ensemble des actions visant à réparer, reconstruire et projeter le territoire dans l’avenir. Elle implique l’association de multiples parties prenantes et la réalisation en parallèle de démarches variées grâce à une action publique volontariste. Ces types de démarches peuvent inspirer d’autres territoires de montagne : 

    • Réaliser des REX techniques et organisationnels sur la catastrophe ;
    • Recourir au dispositif "Mieux reconstruire après inondation" (MIRAPI) ;
    • Élaborer une stratégie de délocalisation des biens exposés ou détruits ;
    • Mettre en place des ateliers Gemapi pour coordonner les acteurs ;
    • Établir collectivement les critères qualifiant les projets résilients avec la mise en place d’un "comité d’évocation de la résilience" ;
    • Travailler, village par village, avec l’aide du dessin pour identifier des solutions sur-mesure, trouver des perspectives d’ouverture à l’urbanisation et rebâtir de l’attractivité grâce à une médiation inventive avec la DDTM et un architecte-urbaniste spécialiste dans les risques, Eric Daniel-Lacombe ;
    • Faire une grande concertation citoyenne pour faire émerger des projets qui feront le futur des vallées ...

    La présentation :

    Tomy Gallo, Paysagiste-concepteur, auteur d’un projet de fin d’étude à l’École Nationale Supérieure de Paysage sur la Reconstruction Post-Catastrophe de la Vallée de la Vésubie, a invité à faire un pas de côté en évoquant ses travaux sur la requalification spatiale des espaces en crise, guidés par des logiques de paysage.

    Plan du projet / Tomy Gallo

    Plusieurs questions à la base de sa réflexion : comment "faire projet" à partir du paysage de la catastrophe ? Quelles formes pourraient prendre la reconstruction d’un point de vue spatial ? Sa démarche prend le contrepoint d’une logique interventionniste sur le torrent, en adoptant des angles d’entrée différents de ceux par lesquels on perçoit habituellement ce type d’évènement, pour comprendre l’héritage des lieux : le paysage, la géomorphologie historique… 

    Elle prend le lit majeur du torrent comme l’aire de projet dans lequel repenser les espaces publics et les infrastructures (espaces semi-naturels, délaissés, zones d’activités...), en les structurant de façon théorique d’abord, puis en faisant évoluer ce projet sur chantier selon la confrontation au réel. Son approche invite à faire projet de manière très situé et multiscalaire, de l’échelle du bassin versant au détail précis d’une berge en passant par celle du village. 

    Portfolio et présentation :

    Diagnostiquer les risques d’enclavement des territoires de montagne pour faire des choix acceptables 

    Marion Labainville, Responsable d’études Risques et Résiliences des Territoires au Cerema Méditerranée a présenté une étude exploratoire sur le diagnostic des risques d’enclavement des territoires de montagne réalisée en 2022 dans le sud des Alpes. L’étude vise à identifier les territoires alpins vulnérables sous le prisme d'une hiérarchisation multi-aléas (inondations et mouvements de terrain) impactant le réseau routier.

    La méthodologie utilisée est exploratoire et s'appuie sur la construction d'indicateurs spécifiques pour évaluer le risque d'enclavement, appréhendé à la fois sous l’angle du réseau routier et celui du fonctionnement du territoire (lieu de vie à rejoindre pour une raison sociétale : équipements, services, travail ...). L’étude précise les limites de la méthode, notamment l’absence de prise en compte de la probabilité des aléas et des spécificités locales. Mais elle permet d’identifier des territoires et dessertes vulnérables, en plus de ceux déjà connus pour des problématiques d'accessibilité lors d'événements.

    Forte de ces constats, la présentation ouvre la réflexion sur la nécessité de développer une résilience territoriale face aux risques naturels, en étudiant notamment le niveau d’autonomie locale, les alternatives à la route, le maintien des services essentiels sous mode dégradé, l’utilisation transitoire de chemins existants...

    Temps d'information sur l'actualité nationale spécifique à la montagne 

    Le séminaire national Montagne offre l’occasion de partager des informations nationales intéressant spécifiquement les territoires de montagne.

    Alain Vandervorst, Conseiller juridique du bureau de la législation de l'urbanisme à la DGALN est revenu sur la réunion annuelle du Réseau Urbanisme en Montagne organisée la veille dans les mêmes locaux. Cette réunion a porté sur l’actualisation des fiches techniques annexées à l’instruction du 12 octobre 2018 sur le droit de l’urbanisme applicable en montagne. Ces fiches constituent une synthèse de l’ensemble des dispositions d’urbanisme spécifiques à la montagne et ont vocation à évoluer en fonction des changements de réglementation ou de jurisprudence, ou des nouveaux besoins.     

    Fanny Lendi-Ramirez, Référente montagne de la DGALN a évoqué plusieurs actualités :

    Le lancement de la 2e feuille de route nationale ingénierie et génie écologique horizon 2030 le 24 juin 2025 qui porte la double ambition de rendre quasi-systématique le recours des porteurs de projets (gestionnaires d’espaces, aménageurs, industriels, logisticiens) aux compétences et outils de l’ingénierie et du génie écologiques et d’homogénéiser la qualité de l’accompagnement des projets. En priorité de la DGALN, la structuration de la filière avec la mise à disposition d’outils pratiques (Annuaire des entreprises, règles professionnelles normes Afnor et certifications, parcours élus, mallette d’aide à la commande publique, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ...).

    Les suites du sommet "One planet Polar Summit" dont l’ambition est de tendre vers la protection forte des glaciers et écosystèmes post-glaciaires (EPG). L’Instruction adressée aux Préfets le 18 février 2025 marque le lancement des concertations pour proposer de nouvelles aires sous protection forte lors de la mise à jour des plans d’action territoriaux de la SNAP (Stratégie nationale des aires protégées).

    Les mesures du Comité interministériel ruralités du 20 juin 2025 dans le champ de la DGALN : la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales portée à 110M€ en 2025 pour 9 162 communes bénéficiaires ; 7 mesures en faveur de l'habitat rural, qui concernent les dispositifs de l'ANAH, la rénovation des logements patrimoniaux des communes rurales, l'accélération de la production et de la réhabilitation de logements de qualité et innovants, la mobilisation des biens sans maîtres, la dynamisation du recours aux aides à la sortie de la vacance de logement, la création d'un guide du parcours de la rénovation énergétique des élus en ruralité, l'accès des communes aux établissements publics fonciers. 

    La présentation :

    Magali Martin, Directrice des programme Montagne Ruralités de l’ANCT a évoqué l’actualité du Conseil national de la Montagne avec une nouvelle mandature, ainsi que le bilan du Plan Avenir Montagnes avec ses trois volets :

    • L’ingénierie (61 territoires lauréats) ;
    • Les mobilités : 99 projets mis en œuvre sur les mobilités partagées, les mobilités à faibles émissions, les mobilités douces, avec près de la moitié de ces projets ciblant prioritairement les habitants ;
    • L’investissement : 486 projets financés grâce à une collaboration entre l’État et les Régions, portant sur la rénovation de l’hébergement, les équipements de diversification, la valorisation du patrimoine naturel et culturel, et la préservation de la biodiversité.

    La présentation :

    Philippe Raviol, Référent national prévention des risques en montagne à la DGPR (Direction générale de la prévention des risques) au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire a évoqué la politique de prévention des risques en montagne dans le contexte du changement climatique, en particulier la mesure 6 du Plan national d’adaptation au changement climatique qui vise à protéger la population des risques naturels en montagne, notamment des risques glaciaires et périglaciaires. 

    Il a présenté la Stratégie relative aux risques d’origines glaciaire et périglaciaire et son plan d’actions interministériel 2024-2026, notamment l’action de levée de doutes qui consiste à caractériser les aléas et identifier les zones à risque. Enfin, il a évoqué l’objectif de déploiement des STePRiM (Stratégies Territoriales de Prévention des Risques en Montagne) à l’ensemble des massifs pour renforcer la gestion locale multi-aléas des risques.

     

    Carte des STePRiM et présentation :

    Contact Cerema

    Dans le dossier Le Cerema accompagne les territoires de montagne dans leurs transitions, en intégrant leurs spécificités et leur diversité

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